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La maison d'à côté
Un garçon de 16 ans s’immisce dans la maison d’un élève de sa classe, et en fait le récit dans ses rédactions à son professeur de français. Ce dernier, face à cet élève doué et différent, reprend goût à l’enseignement, mais cette intrusion va déclencher une série d’événements incontrôlables…

Thriller français de François Ozon, avec Fabrice Luchini, Emmanuelle Seigner, Ernst Umhauer
Entretien avec François Ozon, le réalisateur
À l’origine de « Dans la maison », il y a la pièce de théâtre espagnole Le Garçon du dernier rang de Juan Mayorga… C’est la relation professeur-élève qui m’a tout de suite plu quand j’ai découvert cette pièce. On était à la fois du côté du professeur et de l’élève, il y avait en permanence un basculement de point de vue, alors que d’habitude, on est dans la transmission du professeur à l’élève mais là, elle opérait dans les deux sens. Et puis le dispositif d’alternance entre la réalité et les rédactions m’a tout de suite semblé propice à une réflexion ludique sur l’imaginaire et les moyens de narration. Des questions un peu théoriques mais très incarnées dans la pièce.
À travers le couple Germain-Claude, c’est le binôme nécessaire à toute œuvre de création qui est posé : l’éditeur et l’écrivain, le producteur et le cinéaste, et même le lecteur et l’écrivain ou le spectateur et le metteur en scène. Dès que j’ai lu la pièce, j’ai senti ce potentiel de pouvoir parler indirectement de mon travail, du cinéma, d’où vient l’inspiration, de ce qu’est un créateur, un spectateur.
Une autre subtilité du couple maître-élève est que l’élève ne fait pas que dépasser le maître : Claude aime le livre de Germain et à la fin, ils se retrouvent «à égalité» sur le banc… Dans la pièce, c’est différent, ça se termine sur le banc du parc face à la maison Rapha, Germain comprend que Claude est entré dans son intimité, qu’il a rencontré sa femme. Il lui fiche une claque, lui dit qu’il est allé trop loin et clôt leur relation. Il se protège et ne rompt pas avec sa femme… cette fin ne me semblait pas juste. Pour moi, il était évident qu’il fallait que ça explose, que Claude aille plus loin dans la cruauté, qu’il y ait une interaction réelle entre le monde de Jeanne et le sien. La vie intime de Germain est affectée par sa relation avec Claude, qui a tout contaminé, comme dans Théorème de Pasolini.
La solitude et le sentiment d’exclusion imprègnent tout le film… Claude fait l’apprentissage de la solitude et de l’exclusion à travers sa création, mais il a trouvé un réconfort, un soutien auprès de Germain. C’est pourquoi il était important de les réunir à nouveau dans la dernière scène, devant la maison de repos. D’une certaine manière, c’est un happy end. Je voulais terminer sur la complicité de ces deux solitudes qui ont besoin l’une de l’autre pour faire exister la fiction. Très vite, j’ai eu l’image de ce dernier plan: eux deux sur un banc, qui regardent des fenêtres comme des écrans. Comme l’héroïne de « Sous le sable » qui court vers un inconnu sur la plage, Germain et Claude choisissent la fiction à la réalité. C’est là qu’ils se sentent vivants.
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