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Les frères Sisters Charlie et Eli Sisters évoluent dans un monde sauvage et hostile, ils ont du sang sur les mains : celui de criminels, celui d'innocents... Ils n'éprouvent aucun état d'âme à tuer. C'est leur métier. Charlie, le cadet, est né pour ça. Eli, lui, ne rêve que d'une vie normale. Ils sont engagés par le Commodore pour rechercher et tuer un homme... Entretien avec Jacques Audiard, le réalisateur Vous êtes rarement là où on vous attend. Jusque-là, j’étais toujours parti sur une idée que j’avais, un roman que j’avais lu… bref, l’initiative venait toujours de moi. Pas là. J’ajouterai que si j’étais tombé par hasard sur le roman de Dewitt, s’il ne m’avait pas été proposé, jamais je ne serais parti de mon propre chef sur un western. Entre-temps, comme le scénario était déjà en route, j’ai fait Dheepan. A l’arrivée, tout cela est effectivement assez dépaysant. On sent chez vous une forme de désintérêt pour le paysage en tant que « territoire » du genre. Les Frères Sisters sont d’impénitents bavards mais aussi des tueurs impitoyables, et c’est le mélange inattendu des deux qui faisait le charme du roman. Très vite, on a aimé l’idée d’emmener le récit vers une sorte de conte macabre. Deux enfants perdus dans la forêt ; ils avancent dans une imagerie de chromos, avec des étapes, ils avancent vers quelque chose. Comme il fallait trouver une bonne opposition aux deux frères, un des gros chantiers de l’adaptation a été le développement des personnages de Warm (Riz Ahmed) et Morris (Jake Gyllenhaal), l’idéaliste et le dandy. Ils existaient dans le roman, mais de manière plus simplement drolatique. A l’opposé des deux frères, de leur folie et de leur brutalité, nous en avons fait des personnages du monde moderne, porteurs d’une utopie. Le récit avance en parallèle : les frères d’un côté, le duo formé par Warm et Morris de l’autre. Le spectateur s’imagine que leur réunion sera le point d’aboutissement du récit, la confrontation finale, mais en fait pas du tout : quand ils se retrouvent, c’est un tout autre film qui commence. Surtout pour le personnage d’Eli. D’un coup, c’est comme si une pensée lui était offerte, avec un horizon de vie, ce qui le fait entrer en contestation avec l’autorité de son frère. Dans un western, normalement, on va chercher une fille chez les Indiens, on assiste à l’affrontement entre éleveurs et cultivateurs, tout est très simple, linéaire. Là, on assume quelque chose de moins net. On est dans un western où le cow-boy pleure sur la mort de son canasson, où le héros se masturbe en pensant à la fille qu’il a laissée au pays, où une brosse à dent devient un outil de communication, un indice d’évolution. On ne dirige pas Joaquin Phoenix en lui donnant des instructions en cours de prise, comme vous l’avez parfois pratiqué avec des acteurs peu expérimentés. A la fin de chaque prise, il se tient debout, l’oreille tendue vers toi, attendant que tu viennes lui dire comment c’était, et ce qu’il doit ajuster pour la prochaine. Mais attention ! Pas question de lui dire que c’était bien ! Après, comme partout, chaque acteur est différent et aura besoin d’indications spécifiques. Western de Jacques Audiard avec Joaquin Phoenix. 1er prix du festival du film américain de Deauville 2018. 3,9 étoiles AlloCiné. Voir toutes les newsletters : www.haoui.com Pour les professionnels : HaOui.fr |