En prévoyant de racheter massivement de la dette des Etats et d'entreprises de la zone euro sur les marchés, la BCE (banque centrale européenne) espère soulager les banques et les inciter à maintenir voire relancer leurs prêts aux ménages et entreprises, et ainsi à soutenir la production et l'emploi. C’est un signal aux Etats pour encore s’endetter afin de garantir ces prêts. On appelle cela l’assouplissement quantitatif ou Quantitative easing (QE)…
Le QE désigne un type de politique monétaire dite « non conventionnelle » consistant pour une banque centrale à racheter massivement des titres de dettes aux acteurs financiers, notamment des bons du trésor ou des obligations d'entreprise, et dans certaines circonstances des titres adossés à des actifs comme des titres hypothécaires.
Les banques centrales ont recours à ce genre de pratique dans des circonstances économiques exceptionnelles, telles que des crises économiques et financières de grande ampleur. Plus particulièrement, le QE est utilisé dans une situation de trappe à liquidité, c'est-à-dire lorsque les taux directeurs sont déjà très bas et ne parviennent plus à assurer une hausse des prix suffisante. Le QE vise à inciter les banques à faire plus facilement crédit - la banque centrale assumant parfois les risques en leur rachetant leurs créances - pour relancer ainsi la production et l'emploi. Le QE accroît ainsi la quantité de monnaie en circulation ce qui a pour effet en théorie de relancer l'économie et de maintenir l'inflation à un niveau correct afin d'éviter tout risque de déflation.
Bien que le rachat de titres sur les marchés soit une pratique courante pour les marchés (via les opérations d'open market), le caractère non conventionnel du quantitative easing tient à la taille et la durée du programme. Dans le cadre d'un programme de QE, la banque centrale s'engage à racheter un volume massif d'actifs financiers, et ceci pour une durée de plusieurs années. L'effet d'annonce joue donc également un rôle important dans le fonctionnement de cette politique.
L'assouplissement quantitatif se traduit par un gonflement du bilan de la banque centrale - son actif augmentant avec les titres achetés, la monnaie utilisée pour le faire - qu'elle crée ex nihilo - se rajoutant à son passif.
Les mesures non conventionnelles adoptées par la Banque du Japon entre 2001 et 2006 à la suite de la « Décennie perdue » des années 1990, constitue le premier exemple de mise en place d'une politique d'assouplissement quantitatif à grande échelle. La crise financière de 2008 a ensuite marqué l'avènement des politiques non conventionnelles qui ont été mises en place sous différentes formes par la Fed, la BCE, la Banque d'Angleterre et de nouveau la Banque du Japon.
Le quantitative easing est utilisé quand les banques centrales font face à une situation exceptionnelle, dans laquelle celles-ci n'arrivent pas à accomplir leur principale mission : le maintien d'un taux d'inflation proche de 2 % (stabilité monétaire). Cette situation reflète les limites des instruments monétaires conventionnels et leur incapacité à relancer la demande de crédits, même avec des taux directeurs proches de 0 %.
Cette situation, parfois appelée trappe à liquidité se caractérise par le fait des taux directeurs au plus bas mais une inflation qui stagne, voire diminue. Dans cette situation, les outils traditionnels se révèlent donc inefficaces : une baisse supplémentaire des taux a peu de chance d'être efficace, car les opportunités d'investissement sont trop peu nombreuses (avec les taux bas, les rendements sont également à la baisse).
Sans hausse du crédit bancaire, l'activité économique stagne, ainsi que l'inflation. Avec le quantitative easing, la banque centrale cherche donc à augmenter la quantité de monnaie en circulation (et par conséquent à diminuer les taux d'intérêt à moyen et long terme) afin d'inciter le secteur bancaire à prêter davantage aux acteurs économiques. Nous allons voir comment ci-dessous.
L'assouplissement quantitatif est une forme de création monétaire, mais ciblée vers les marchés financiers. Dans le cadre du QE, la Banque Centrale se met à acheter des actifs financiers sur les marchés. Ces titres peuvent être notamment des bons du trésor ou des obligations d'entreprise, et dans certaines circonstances des titres adossés à des actifs tels que des titres hypothécaires.
La banque centrale achète ces titres à divers investisseurs, créant un surcroît de demande pour ces titres et entraînant donc leur renchérissement. S'agissant d'obligations, si leur prix monte, leur rendement va baisser ce qui va inciter les investisseurs à rechercher d'autres placements plus rémunérateurs. Une banque commerciale peut ainsi trouver plus avantageux de prêter à des entreprises ou à des particuliers que d'acheter des obligations d'Etat ou des bons du Trésor. Ce faisant, les investisseurs participent à la relance de l'économie, ce qui est le but recherché. C'est comme si la banque centrale cherchait à évincer les autres intervenants du marché obligataire pour les obliger à financer les porteurs de projet. Cependant, rien ne garantit que les investisseurs financent l'économie réelle : ils peuvent aussi décider d'utiliser leurs liquidités pour acheter des produits financiers.
Plus largement, la théorie du quantitative easing se fonde sur l'activation de différents leviers ou canaux de transmission :
- Le crédit bancaire (selon le processus décrit ci-dessus)
- Le rééquilibrage de portefeuille (l'abondance de liquidités permet de diversifier son portefeuille d'actifs, lesquels voient leurs prix monter, ce qui crée un effet richesse)
- Le taux de change (dépréciation de la monnaie due à l'expansion monétaire mais aussi aux achats accrus d'actifs étrangers, ce qui facilite les exportations)
- Effet de signal (la banque centrale envoie aux marchés le signal que sa politique est et restera "accommodante", c'est-à-dire que les taux directeurs resteront bas sur une longue période, ce qui est favorable aux échanges)
- Effet de richesse (résultant du rééquilibrage de portefeuille)
- Effet de liquidité (injection rapide de liquidité dans le système financier)
- Canal du défaut (le QE permet en principe de faire baisser les taux publics ce qui diminue la charge des intérêts à rembourser pour les Etats et leur permet de disposer de plus de ressources fiscales. Le fait aussi que la banque centrale soit prêteur en dernier ressort apporte plus de sérénité sur le marché de la dette et évite des situations d'emballement préjudiciables)
A propos de ce dernier point, l'assouplissement quantitatif permet aussi implicitement de monétiser la dette d'Etats en difficulté, c'est-à-dire d'annuler tout ou partie de la dette (en l'effaçant du bilan de la banque centrale) ou de rendre celle-ci "gratuite" par le reversement des intérêts à l'Etat concerné. Ce mécanisme est officiellement interdit dans la zone Euro car il peut être générateur d'un "aléa moral", mais dans les faits, il existe bel et bien.
Les politiques d'assouplissement quantitatif font l'objet d'un important débat entre les économistes.
Pour certains, le risque est de provoquer de l'inflation (voir théorie quantitative de la monnaie) ou de favoriser les bulles spéculatives. Cette conséquence inflationniste de l'assouplissement quantitatif est parfois remise en cause par les keynésiens. Il y a peu d'augmentation de l'inflation, car la vitesse de circulation de la monnaie n'augmente pas, la nouvelle augmentation de la masse monétaire étant dirigée principalement vers les marchés financiers ou augmentant simplement le bilan de la banque centrale.
Cependant, selon d'autres économistes, cette inflation se mesurerait principalement par l'augmentation des prix des matières premières telles que le pétrole, l'or, ou les produits agricoles. D'autres spécialistes estiment au contraire que l'or, non contrôlé par les institutions, ne serait pas affecté par cette hyperinflation.
En 2012, la Banque d'Angleterre reconnaît dans un rapport destiné au parlement que sa politique de rachats d'actifs a eu pour effet d'augmenter la richesse des 5 % de citoyens les plus riches, par le gonflement du prix de certains actifs financiers détenus par ces derniers. Le financier Thomas Friedberger estime qu'excepté la réforme fiscale américaine de 2017, peu de gouvernements ont tenté quoi que ce soit pour accompagner efficacement la transmission de ces politiques monétaires accommodantes dans l’économie réelle, précipitant aussi un accroissement des inégalités entre une population « proche des marchés financiers », c’est-à-dire ayant une capacité d’endettement, et une autre qui, n’ayant pas accès aux marchés financiers, est composée de personnes sans emploi ou de salariés sans capacité d’épargne forte.
En 2016, Raghuram Rajan, gouverneur de la banque centrale indienne, publie un avertissement à propos du danger que font courir les banques centrales en ayant recours à des politiques d'assouplissement quantitatif pour promouvoir la croissance économique. Dans une conférence publique à la London School of Economics, Rajan a suggéré que la politique de création monétaire, que la Réserve fédérale américaine, la Banque d'Angleterre et la Banque du Japon avaient adoptée ces dernières années, avait perdu son utilité.
Rajan se pose notamment la question si cette politique monétaire ne fait pas partie de plus en plus du problème plutôt que de sa solution. En dépit de taux d'intérêt faibles à des niveaux records dans de nombreux pays industrialisés, Rajan a souligné que le niveau de la demande d'ensemble reste déprimé, et dans certains endroits les taux d'épargne ont en fait augmenté, ce qui est contraire à la théorie selon laquelle les taux ultra-bas stimulent les dépenses. De plus, certains pays en développement ont subi des conséquences négatives, comme un afflux de capitaux spéculatifs recherchant des rendements plus élevés avec le danger montré par le passé que ces flux s'inversent souvent soudainement, ce qui peut provoquer un crash. De surcroît, ces politiques monétaires non conventionnelles présentent deux autres types de limites, comme le relève Alexandre Reichart. Premièrement, les banques centrales ne peuvent, à elles seules, stimuler la reprise économique, surtout lorsque les politiques budgétaires menées par les États apparaissent restrictives, comme l'avait souligné, en particulier, John Maynard Keynes dans sa Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, publiée en 1936. Deuxièmement, selon les partisans de la théorie de l'offre de monnaie endogène, et notamment les économistes post-keynésiens Nicholas Kaldor et Jacques Le Bourva, l'initiative de la création monétaire revient aux banques commerciales - ou de second rang - qui font face aux demandes de crédits des agents économiques, ménages et entreprises : dans cette optique, les banques centrales ne font que refinancer passivement les banques commerciales qui en font la demande, et les autorités monétaires semblent être des "monarques constitutionnels", sans réelles marges de manœuvre.
Le journaliste économique Anatole Kaletsky critique quant à lui le fait que les politiques monétaires d'assouplissement quantitatif n'ont pas d'effet sur l'économie réelle, car les banques ne prêtent pas automatiquement davantage dans l'économie. Il suggère des politiques d'assouplissement quantitatives qui iraient plus directement vers l'économie réelle, par exemple en distribuant directement de l'argent aux citoyens.
L’Hélicoptère monétaire ou « monnaie hélicoptère » est un type de politique monétaire consistant, pour une banque centrale, à créer de la monnaie et de la distribuer directement aux citoyens, à la manière d'un dividende citoyen. L'idée est devenue célèbre grâce à l'économiste américain Milton Friedman en 1969, qui avait utilisé cette image comme une expérience de pensée, sans toutefois en préconiser la mise en pratique. À partir de 2012, certains économistes ont rebaptisé l'idée « quantitative easing pour le peuple ».
De façon plus générale, on parle d'hélicoptère monétaire à propos de toute augmentation de la dépense publique — ou de baisse des impôts — qui n'aurait pas pour contrepartie une augmentation de l'endettement de l'État. Formellement, la situation est semblable à une monétisation de dette par la banque centrale : le gouvernement émettrait des bons du Trésor pour financer une relance budgétaire, bons qui seraient achetés par la banque centrale, qui s'empresserait de les « annuler » (rayer de ses comptes). À la différence de ce qui se passe avec le « quantitative easing », la nouvelle monnaie créée (de fait, par le Trésor) ne serait plus confinée au seul marché interbancaire — dont le taux d'intérêt ne serait donc pas affecté. La quantité de monnaie banque centrale, la base monétaire, ne serait donc pas modifiée — sauf, peut-être, en ce qui concerne les espèces, qui en sont une faible partie. Si elle voulait, par exemple, remonter son taux directeur, la tâche de la banque centrale serait facilitée, la base monétaire qu'elle chercherait à diminuer dans ce but serait plus restreinte que dans le cas du « quantitative easing » — qui se traduit par une augmentation de cette base (achat de titres).
Si l'hélicoptère monétaire se traduit par une hausse des dépenses publiques — ou par une baisse d'impôts — on peut considérer qu'il relève d'une coordination entre la politique budgétaire et monétaire, l'initiative de l'opération étant du ressort du gouvernement avec l'accord explicite ou implicite que la banque centrale achètera et annulera les bons du trésor. Si cette opération en revanche est menée de l'initiative même de la banque centrale, et sans transferts de fonds au budget du gouvernement (la banque centrale verse directement l'argent sur les comptes bancaires des citoyens), on peut alors considérer qu'il s'agit d'une pure opération de politique monétaire.
Début 2020, au Japon, afin de soutenir les ménages en difficulté financière du fait de la pandémie de Covid-19, le gouvernement du Premier ministre, Shinzō Abe, planifie le versement de 300 000 yens, environ 2 500 euros, à dix millions des 58 millions de foyers japonais. En 2008, après la crise financière mondiale, le gouvernement japonais avait déjà distribué 12 000 yens (cent euros) à chaque ménage.
Le QE et l'hélicoptère monétaire impliquent tous les deux de la création monétaire par la banque centrale. Avec le QE, la banque centrale crée des réserves qu'elle utilise immédiatement pour acheter des actifs financiers tels que des obligations. Il y a donc un transfert d'actif et un impact très indirect sur l'économie réelle.
En revanche avec l'hélicoptère monétaire, la banque centrale distribue directement l'argent qu'elle crée, sans obtenir d'actif en contrepartie. C'est donc une forme de création monétaire plus directe.
Photo : Pixabay - Peggy und Marco Lachmann-Anke.Texte sous licence CC BY-SA 3.0. Contributeurs, ici.
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