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Clause de non-concurrence valablement consentie


Une entreprise et une salariée signent en 2011 un contrat de travail avec une clause de non-concurrence. A la rupture du contrat, la société applique la clause et verse à la salariée la contrepartie financière prévue. Ce qui n'empêche pas la salariée d'aller ensuite travailler pour un concurrent. Son ex-employeur l'assigne aux prud'hommes et demande le remboursement des indemnités versées ainsi que les pénalités prévues au contrat. Aucune des deux parties ne peut fournir aux juges une copie du contrat mais la Cour d'appel, à partir d'un avenant au contrat, de la lettre de démission et de la contrepartie reçue par la salariée donne raison à la société. Mais la Cour de cassation n’est pas de cet avis. Pour elle, ces éléments, en l'absence de contrat signé, ne sont pas suffisants pour prouver que la salariée avait consenti de manière claire et non équivoque à la clause de non-concurrence.

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du mercredi 1 avril 2020. Pourvoi n° : 18-24472.

«  LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

[…]

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 14 septembre 2018), Mme A..., engagée en qualité de responsable d'agence en 2011 par la société Fédérhis, devenue la société Domino Dauphiné Bourgogne (la société), entreprise de travail temporaire, a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 24 février 2014, la relation de travail prenant fin le 21 mars 2014.

2. La salariée a été engagée le 1er avril 2014 par la société V Travail temporaire exerçant sous l'enseigne Effibat Intérim, entreprise de travail temporaire concurrente.

3. Estimant que la salariée avait contrevenu à la clause de non-concurrence, l'employeur a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses quatre dernières branches,

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail du 3 octobre 2011 conclu entre les parties était licite, de rejeter la demande de dommages-intérêts pour stipulation d'une clause de non-concurrence nulle, de la condamner à payer à l'employeur une somme en remboursement de l'indemnité compensatrice relative à la clause de non-concurrence, avec intérêts légaux à compter de l'arrêt et de la condamner à payer à l'employeur une somme à titre de dommages-intérêts en exécution de la clause pénale stipulée au contrat, assortis d'intérêts légaux à compter de l'arrêt, alors :

« 1°/ que l'employeur ne peut valablement opposer au salarié les stipulations d'un contrat de travail que le salarié n'a pas signé et dont il n'établit pas qu'il les aurait expressément acceptées, de manière claire et non équivoque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, comme le soutenait à bon droit Mme A..., le projet de contrat du 13 décembre 2013 n'avait jamais été signé par la salariée ; qu'elle a encore constaté que l'employeur alléguait avoir perdu l'exemplaire revenant à la salariée du contrat de travail du 03 octobre 2011, la salariée faisant valoir sans être utilement contredite qu'elle n'avait non plus jamais signé ce projet de contrat du 03 octobre 2011 ; qu'en jugeant néanmoins opposable à la salariée la clause de non-concurrence stipulée dans ce contrat du 3 octobre 2011 dont il n'était ainsi pas établi que la salariée l'avait signé et accepté, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige ;

2°/ que l'employeur ne peut valablement opposer au salarié les stipulations d'un contrat de travail que le salarié n'a pas signé et dont il n'établit pas qu'il les aurait expressément acceptées, de manière claire et non équivoque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, comme le soutenait à bon droit Mme A..., le projet de contrat du 13 décembre 2013 n'avait jamais été signé par la salariée ; qu'elle a encore constaté que l'employeur alléguait avoir perdu l'exemplaire revenant à la salariée du contrat de travail du 03 octobre 2011, la salariée faisant valoir sans être utilement contredite qu'elle n'avait non plus jamais signé ce projet de contrat du 03 octobre 2011 ; qu'en jugeant néanmoins opposable à la salariée la clause de non-concurrence stipulée dans ce contrat du 3 octobre 2011 dont il n'était ainsi pas établi que la salariée l'avait signé et accepté, aux prétextes inopérants qu'elle avait conclu un avenant à ce contrat en janvier 2012, qu'elle reconnaissait dans sa lettre de démission avoir travaillé à compter du 03 octobre 2011, qu'elle revendiquait des heures supplémentaires sur la base du temps de travail stipulé dans ce contrat et enfin qu'elle ne contestait pas avoir perçu les indemnités compensatrices relatives à la clause de non-concurrence stipulée dans ce contrat, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractère une acceptation expresse, claire et non équivoque, de la clause de non-concurrence litigieuse, et, partant, privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

6. Il résulte de l'article L. 1221-1 du code du travail que le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun et peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter. Selon l'article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise et doivent être exécutées de bonne foi.

7. Pour dire que la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail du 3 octobre 2011 était opposable à la salariée, la cour d'appel a constaté que si le contrat de travail du 13 décembre 2013 n'avait pas été signé par la salariée, celle-ci ne pouvait contester l'existence du contrat de travail du 3 octobre 2011 dont l'employeur indiquait avoir perdu son exemplaire, dans la mesure où elle avait signé le 25 janvier 2012 un avenant au contrat de travail du 3 octobre 2011, modifiant le lieu d'exercice de ses fonctions, qu'elle reconnaissait dans sa lettre de démission avoir travaillé comme responsable d'agence depuis le 3 octobre 2011, date correspondant à celle mentionnée au contrat de travail, qu'elle revendiquait le paiement d'heures supplémentaires sur la base du temps de travail stipulé dans le contrat de travail du 3 octobre 2011 et ne contestait pas avoir perçu les indemnités compensatrices relatives à la clause de non-concurrence stipulée dans ce contrat après sa rupture.

8. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir une acceptation claire et non équivoque par la salariée de la clause de non-concurrence invoquée par l'employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement ayant dit la clause de non-concurrence inopposable à la salariée, et en ce qu'il dit que la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail du 3 octobre 2011 conclu entre les parties est licite, rejette la demande de dommages-intérêts pour stipulation d'une clause de non-concurrence nulle, condamne Mme A... à payer à la société Domino Fédérhis, devenue la société Domino Dauphiné Bourgogne, la somme de 2 399,72 euros en remboursement de l'indemnité compensatrice relative à la clause de non-concurrence, avec intérêts légaux et la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts en exécution de la clause pénale stipulée au contrat, assortis d'intérêts légaux, l'arrêt rendu le 14 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la société Domino Fédérhis, devenue la société Domino Dauphiné Bourgogne, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Domino Fédérhis, devenue la société Domino Dauphiné Bourgogne et la condamne à payer à Mme A... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille vingt. [...] »

Photo : Fotolia.com - Romolo Tavani.

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