Une secrétaire commerciale placée en arrêt maladie est licenciée pour faute grave car son employeur a établit qu’elle exerçait une activité professionnelle dans une autre société, non concurrente, dans laquelle elle était associée. La Cour d’appel donne raison à l’employeur mais la Cour de cassation casse sa décision. En effet, selon elle, l’acte commis par la salariée durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l’entreprise mais ce préjudice ne saurait résulter du seul paiement par l’employeur, en conséquence de l’arrêt de travail, des indemnités complémentaires aux allocations journalières...
« La chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme F..., engagée le 15 décembre 1986 par la société Madison diamonds en qualité de secrétaire commerciale, a été placée en arrêt de travail à compter du 18 janvier 2012 ; qu'elle a été licenciée pour faute grave le 24 juillet 2012 ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à condamner l'employeur au paiement d'une indemnité à ce titre, d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et à lui rembourser des sommes au titre du maintien de salaire et des frais d'huissier, l'arrêt retient qu'il est établi que la salariée exerçait une activité professionnelle dans le cadre d'une société qui n'était pas son employeur, à une heure et un jour où en raison d'un arrêt de travail pour maladie, le contrat de travail la liant à cet employeur était suspendu ; que la salariée a continué à percevoir un complément de salaire versé par son employeur pendant son arrêt de travail pour maladie mais avait un compte courant d'associé établi à 64 500 euros au 31 décembre 2011 et porté à 76 467,84 euros au 31 décembre 2012, de sorte que non seulement l'employeur justifie du préjudice qui en résulte mais qu'il ne peut être soutenu par la salariée que son activité était bénévole ou occasionnelle ; qu'en conséquence et peu important l'absence de caractère concurrentiel de l'activité, le régime de sorties libres de l'arrêt de travail ou la connaissance qu'avait l'employeur de la qualité d'associée de la salariée, il y a lieu de déclarer que l'exercice de cette activité constitue une faute qui, par la déloyauté qu'elle caractérise, est d'une gravité telle qu'elle fait obstacle à la poursuite du contrat de travail ;
Attendu cependant que l'exercice d'une activité, pour le compte d'une société non concurrente de celle de l'employeur, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt ; que, dans un tel cas, pour fonder un licenciement, l'acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l'employeur ou à l'entreprise ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que ce préjudice ne saurait résulter du seul paiement par l'employeur, en conséquence de l'arrêt de travail, des indemnités complémentaires aux allocations journalières, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux autres moyens, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que les fonctions commerciales exercées par Mme F... relevaient de la qualification de cadre, condamne la société Madison diamonds à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et en ce qu'il condamne la société à la remise d'un certificat de travail conforme, l'arrêt rendu le 2 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sauf sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elle se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel Paris, autrement composée ;
Condamne la société Madison Diamonds représentée par son liquidateur amiable, M. D... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Madison Diamonds représentée par son liquidateur amiable, M. D... et la condamne à payer à Mme F... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt. »
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