L'affaire Rhodia est un scandale politico-financier français concernant la séparation, en 1999, des branches chimie, devenue Rhodia, et pharmacie, devenue Aventis, du groupe Rhône-Poulenc. Cette affaire fait beaucoup de bruit car elle pourrait impliquer des hommes politiques et des banquiers de premier plan.
L'enquête fait suite à une plainte contre X pour « présentation de comptes inexacts, diffusion d'informations fausses ou mensongères, délit d'initié et recel de délit d'initié ».
À l'origine de la plainte, deux actionnaires déçus de Rhodia : le banquier Édouard Stern, assassiné à son domicile à Genève en mars 2005 et le financier Hugues de Lasteyrie décédé le 13 juillet 2007 à Paris d'un infarctus foudroyant. Hugues de Lasteyrie, qui avait dénoncé à l'époque une « manœuvre grossière », soupçonne Aventis, la société née de la fusion entre Rhône-Poulenc et Hoechst, d'avoir dissimulé la situation réelle de l'entreprise au moment de sa vente.
Au moment de sa filialisation, Rhodia a reçu un certain nombre de passifs qui n'étaient pas provisionnés de façon suffisante dans les comptes, notamment des sites industriels à dépolluer, ainsi que les retraites de certains salariés.
Les soupçons portent en particulier sur l'acquisition en 1999 de la société britannique Albright & Wilson, celle-ci aurait été achetée malgré des pertes cachées afin de doper le cours de l'action Rhodia au moment où Aventis l'a placée sur le marché.
En décembre 1999, Daniel Lebard est nommé PDG d'Albright & Wilson. Il est chargé de gérer la société britannique pour quelques mois en toute indépendance par rapport à Rhodia et Rhône-Poulenc pendant sa phase finale d'acquisition et le temps d'obtenir les autorisations administratives nécessaires. Réclamant une rémunération de l'ordre de 100 millions de francs pour cette responsabilité, il est limogé à ce moment (réf. : L'affaire. L'histoire du plus grand scandale financier français ; éd. du Seuil octobre 2008). Dès lors il ne cesse d'interroger ces deux sociétés sur la sincérité des prospectus présentés aux marchés. Il demande alors à la Supreme Court of the State of New York de se pencher sur des manœuvres éventuelles de Rhône-Poulenc, Rhodia et d'autres afin de tromper, avec le rachat de Albright & Wilson, les actionnaires de Rhodia au profit de Rhône-Poulenc. Suivant les plaidoiries de défense de Rhodia, la Cour avait alors jugé que le cas ne relevait pas de la juridiction de l'État de New York et l'affaire n'avait jamais été jugée sur le fond.
L'instruction française de l'affaire est relayée par les résultats d'une analyse de l'Autorité des marchés financiers (AMF) qui a conclu à des irrégularités comptables entre 2000 et 2003.
Thierry Breton a été l'un des administrateurs de Rhodia entre 1998 et 2002. Il a été également président du comité d'audit du conseil d'administration, comité n'ayant pas de responsabilité juridique propre ou différenciée par rapport au conseil d'administration, contrairement à ce que les plaignants n'ont eu de cesse d'insinuer dès lors que Thierry Breton est devenu ministre en 2005, tentant d'utiliser la notoriété de ce dernier pour donner du relief à leurs griefs.
Thierry Breton déclare n'avoir « rien à voir et encore moins à se reprocher » dans l'affaire Rhodia, et ses déclarations présentant Edouard Stern et Hughes de Lasteyrie, les deux actionnaires minoritaires qui ont engagé une action contre Rhodia, comme « des financiers internationaux dont la spécialité est d'entrer dans le capital de sociétés en difficulté et d'en tirer le maximum de profits » a suscité la réaction des plaignants.
La famille du banquier Édouard Stern s'est dite « indignée » par les déclarations du ministre. « Ramener l'investissement dans une société à une action de pillage est insupportable. Doit-on rappeler que, dans l'affaire Rhodia, Edouard Stern a perdu 78 millions d'euros quand M. Breton, lui, dans le même temps, en gagnait 3 dans cette société ? », a déclaré Kristen Van Riel, responsable du fonds d'investissement IRR, une des sociétés d'Édouard Stern. Cette assertion a été catégoriquement démentie par Thierry Breton tant sur la forme, celui-ci réfutant totalement le vocable de "pillage" qui lui est attribué, que sur le fond, Thierry Breton rappelant que n'ayant en particulier jamais été salarié de Rhodia, il n'a jamais "gagné 3 millions dans cette société" (ref : communiqué Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie mai 2006).
Le membre du parlement européen vert français Alain Lipietz, lors de la remise de son Rapport sur la politique de la concurrence en 2004 au parlement européen a demandé une commission d'enquête sur l'attitude de la Commission européenne dans cette affaire. Le rapporteur demande à la commission européenne d'expliquer pourquoi la direction de la concurrence de la Commission n'a pas respecté le Règlement spécifique de la Concurrence en ne relevant pas le manque de viabilité de Rhodia pendant qu'elle était sous sa surveillance et l'accuse, entre autres, d'avoir fourni à Aventis trois autorisations dans des conditions litigieuses voire illégales ayant contribué à faciliter une manipulation des marchés.
Texte sous licence CC BY-SA 3.0. Contributeurs, ici. Photo : Pixabay - succo.
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