Un salarié conteste aux prud’hommes sa rupture conventionnelle au motif que son employeur préparait en même temps un PSE. La Cour d’appel puis la Cour de cassation lui donnent raison car l'employeur avait dissimulé au salarié l'existence, à la date de conclusion de la convention de rupture, d'un plan de sauvegarde de l'emploi en cours de préparation…
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1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 16 avril 2019), M. A... a été engagé par la société Lotoise d'évaporation le 13 mars 2000. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable de production.
2. Le 18 décembre 2015, le salarié et l'employeur ont signé une convention de rupture.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'annulation de la convention de rupture et d'une demande en paiement de diverses sommes.
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du protocole de rupture conventionnelle et de le condamner à verser diverses sommes au salarié à titre de créances salariales et de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que la nullité d'une convention pour dol ne peut être encourue que lorsqu'au moment de sa conclusion, des informations de nature à influer sur le consentement du contractant lui ont été volontairement dissimulées par son cocontractant ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver qu'à la date de la conclusion de la rupture conventionnelle, aucune décision relative à l'engagement d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique, ni à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi n'avait été prise, qu'il avait seulement été opté, le 28 janvier 2016, pour une fermeture de l'usine du 28 mars au 3 avril et du 2 au 8 mai 2016 ainsi que pour le lancement d'une procédure de chômage partiel et que les négociations relatives à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi n'avaient été engagées avec les représentants du personnel que courant février 2016 ; qu'en se bornant à relever qu'un plan d'action avait été annoncé le 10 décembre 2015 pour redresser la société et qu'un plan de sauvegarde prévoyant des licenciements collectifs avait été présenté en février 2016 au comité d'entreprise, sans mieux caractériser que l'employeur savait, avant la signature de la rupture conventionnelle le 18 décembre 2015, que le poste du salarié serait supprimé dans le cadre de ce plan de sauvegarde et que le salarié bénéficierait de mesures plus favorables que celles qui lui étaient offertes dans le cadre de la rupture conventionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 devenu 1130 et 1116 devenu 1137 du code civil ;
2°/ que la nullité d'une convention pour dol ne peut être encourue que lorsqu'au moment de sa conclusion, des informations de nature à influer sur le consentement du contractant lui ont été volontairement dissimulées par son cocontractant ; qu'en se bornant à relever que l'employeur savait, avant la signature de la rupture conventionnelle, qu'un plan de sauvegarde était en préparation, prévoyant de multiples licenciements et des mesures d'accompagnement et qu'il ne pouvait soutenir ignorer que le poste du salarié, avec qui il était en discussion, serait supprimé dans le cadre de ce plan, sans à aucun moment caractériser que l'employeur aurait agi intentionnellement afin de tromper le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 devenu 1130 et 1116 devenu 1137 du code civil ;
3°/ que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que le salarié, alors qu'il avait été informé de la dégradation de la situation économique de l'entreprise courant 2015 et que des mesures de restructuration devraient être mises en oeuvres, il avait confirmé à son employeur le 24 novembre 2015 qu'il souhaitait quitter son poste dans le cadre d'une rupture conventionnelle ; qu'en prononçant la nullité de la rupture conventionnelle, sans à aucun moment expliquer en quoi le fait qu'informé de la situation économique de l'entreprise et de la nécessité de mettre en oeuvre des mesures de réorganisation, le salarié ait préféré conclure une rupture conventionnelle, n'était pas de nature à écarter le caractère déterminant des informations détenues par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 devenu 1130 et 1116 devenu 1137 du code civil, ensemble l'article 954 du code de procédure civile. »
5. La cour d'appel, qui a constaté, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que l'employeur avait dissimulé au salarié l'existence, à la date de conclusion de la convention de rupture, d'un plan de sauvegarde de l'emploi en cours de préparation, prévoyant la suppression de son poste, et que cette dissimulation avait été déterminante du consentement de celui-ci, a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Lotoise d'évaporation aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Lotoise d'évaporation et la condamne à payer à M. A... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt et un.
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