Le pinot-gris d'Alsace, ou alsace pinot-gris, est un vin blanc français produit dans le vignoble d'Alsace à partir du cépage pinot gris G. Il s'agit d'une dénomination de cépage au sein de l'appellation alsace. Avant 2007, il était nommé « tokay-pinot-gris » et, avant 1984, « tokay d'Alsace ».
Parmi les vins d'Alsace, c'est un des vins blancs les plus aromatiques ; il est donc classé parmi ceux produits à partir des « cépages nobles » alsaciens, avec le riesling, le gewurztraminer et le muscat.
Le cépage pinot gris G est originaire du vignoble de Bourgogne, introduit en Alsace au XVII siècle avec les membres de sa famille, le pinot noir N et le pinot blanc B. Une légende prétend que vers 1565 des plants de vigne auraient été rapportés de Hongrie par le général Lazare de Schwendi, qui servait le Saint-Empire dans sa guerre contre l'Empire ottoman. Propriétaire de terres dans le pays de Bade et en Alsace, il aurait ordonné de multiplier ces plants à Kientzheim en souvenir de la bataille de Tokaj, et peut-être dans l'espoir de produire l'équivalent du tokaji hongrois (un vin liquoreux très cher produit à partir du cépage furmint). Mais, d’après plusieurs ampélographes, il est vraisemblable que le cépage ramené ne correspond pas au fameux vin de Hongrie. Le pinot gris lui aurait été substitué sous le nom de Grauer Tokayer, traduit à partir de 1918 par « tokay d'Alsace », surnom qui est resté jusqu'au début du XXI siècle.
L'appellation d'origine « vins d'Alsace » est créée par l'ordonnance du 2 novembre 1945, puis devient appellation d'origine contrôlée par le décret du 3 octobre 1962, avant que ne soient définis des dénominations de cépage en 1971 ainsi que le cahier des charges de la production et de la commercialisation (décrets du 2 janvier 1970 et du 30 juin 1971) achevé par l'obligation de la mise en bouteille (loi du 5 juillet 1972) dans des flûtes (décret du 30 juin 1971).
À l'exception du lieu-dit Kaefferkopf, le pinot gris d'Alsace peut bénéficier des mentions vendanges tardives et sélection de grains nobles, qui sont encadrés par un décret en 1984.
La surface du vignoble d'Alsace (appellations alsace et alsace grand cru) en pinot gris G est en très forte augmentation depuis le milieu du XX siècle : elle est passée de 387 hectares en 1969 (4 % du total du vignoble) à 2 356 hectares en 2009 (15 % du total du vignoble), disputant la troisième place dans l'encépagement du vignoble à l'auxerrois, derrière le riesling B et le gewurztraminer Rs.
La question de l'usage abusif du nom « tokay » par les vignerons alsaciens est tranché par un accord entre la CEE et la Hongrie : à partir du 1 janvier 1994 le terme de « tokay-d'Alsace » est interdit, remplacé d'abord par « tokay-pinot-gris » pendant un délai d'adaptation de treize ans jusqu'au 1 janvier 2007, puis par simplement « pinot-gris ».
La dénomination porte le nom de la région, dont la signification donne lieu à plusieurs théories. En alsacien, « Alsace » se dit Elsass anciennement écrit Elsaß :
- 'El- vient de l'alémanique Ell qui signifie l'Ill, la principale rivière alsacienne qui traverse la région du sud au nord.
- Saß vient du verbe sitzen (se trouver, être assis).
Littéralement, Elsass signifierait donc « le lieu où se trouve l'Ill » soit le « Pays de l'Ill ».
Quant au mot « pinot » il fait référence à la forme de la grappe du cépage utilisé, comme un cône de pin. Le gris correspond à la couleur des baies.
Le pinot gris d'Alsace est produit en France, dans la région Alsace, plus précisément sur presque l'ensemble du vignoble d'Alsace, y compris les parcelles classées en alsace grand cru. Il peut donc être produit de Wissembourg au nord (à la frontière avec le land de Rhénanie-Palatinat), jusqu'à Thann au sud (proche de la frontière suisse), sur 180 kilomètres, de façon discontinue.
La production de pinot gris au sein de l'appellation alsace est de 167 749 hectolitres en 2019, ce qui fait sur un total de 1 028 705 hectolitres de vin une part de 16 %.
Le jour de la vendange, à l'arrivée au chai, le raisin est foulé et pressé pour séparer le moût du marc de raisin. Pour ce travail, les pressoirs pneumatiques remplacent progressivement les pressoirs horizontaux à plateau. Puis le moût est mis en cuve pour le débourbage, qui est le soutirage du jus sans les bourbes, soit par filtrage, soit par décantation en attendant qu'elles se déposent au fond de la cuve.
La fermentation alcoolique débute sous l'action de levures indigènes ou de levures sélectionnées introduites lors du levurage : cette opération transforme le sucre du raisin en alcool. La maîtrise de la température de fermentation par un système de réfrigération permet d'exprimer le potentiel aromatique du produit. La fermentation achevée au bout d'un mois, le vin est soutiré afin d'éliminer les lies. La fermentation malolactique n'est généralement pas réalisée, bloquée par un sulfitage pour conserver son acidité au vin. Ce dernier peut être stocké en cuve pour le préparer à l'embouteillage ou élevé en barrique ou foudres de bois de chêne.
Le vin est soutiré, puis généralement de nouveau filtré avant le conditionnement en bouteilles, dès février ou mars.
Les vendanges tardives désignent des vins fait à partir de raisins dont la récolte a été retardée pour les obtenir en surmaturité, d'où des vins riches en sucre et en alcool, aux goûts plus puissants, et souvent moelleux. Selon la législation, le moût doit avoir au moins 243 grammes de sucre par litre dans le cas d'un pinot gris (soit 14,4 % vol. d'alcool potentiel) ; aucune chaptalisation n'est permise.
Quant à une sélection de grains nobles, il s'agit d'un vin fait à partir de raisins récoltés par tris sélectifs successifs des grains atteints de pourriture noble (Botrytis cinerea), ce qui donne des vins encore plus concentrés, plus sucrés, liquoreux. Selon la législation, le moût doit avoir au moins 279 grammes de sucre par litre si c'est du pinot gris (soit 16,6 % vol. d'alcool potentiel). Là-aussi aucune chaptalisation n'est permise.
Le pinot gris d'Alsace est un vin blanc à la robe dorée soutenue, avec un nez et une bouche au fruité marqué (sont généralement évoqués le miel et les fruits confits), avec des notes du sous-bois (champignon). Les vendanges tardives renforcent la concentration des arômes, les rendant encore plus puissants ; les sélections de grains nobles donnent des vins encore plus sucrés et alcoolisés.
Le critique Robert Parker décrit le pinot gris d'Alsace ainsi : « Capable de produire des vins aussi irrésistibles que les meilleurs chardonnays, le pinot gris donne en Alsace la toute meilleure expression de ce cépage, un vin sec et corsé. Vendangé tardivement et fermenté jusqu'à ce qu'il soit presque sec ou complètement sec, cet excellent cépage déploie un ample parfum de fruit beurré, crémeux et fumé, des flaveurs onctueuses et intenses, ainsi qu'une puissance et une présence en bouche considérables. Il appelle le type de nourriture (plats de poisson riches, etc.) que l'on sert habituellement avec un grand cru blanc de Bourgogne. Un (tokay) pinot gris vendanges tardives peut atteindre une teneur alcoolique de 14 à 15 % vol. et vieillit fort bien. Potentiel de garde : 4 à 10 ans. Cuvées vendanges tardives : 5 à 20 ans. »
En plus de convenir à un apéritif, le pinot gris d'Alsace s'accorde classiquement avec la cuisine alsacienne et avec les viandes blanches.
Texte et photo sous licence CC BY-SA 3.0. Contributeurs, ici.
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