A l’issue de plusieurs contrats à durée déterminée successifs ininterrompus pour accroissement temporaire d'activité, un salarié et son employeur concluent une transaction dans laquelle l’employé renonce à contester la qualification de ces contrats à durée déterminée, moyennant une contrepartie financière de 500 €. La Cour d’appel puis la Cour de cassation, jugeant ce montant dérisoire, concluent à l’annulation de la transaction.
[…]
1. Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 05 février 2020), M. [P] a été engagé par la société SSP Méditerranée (la société) en qualité d’agent de prévention et de sécurité, aux termes de plusieurs contrats à durée déterminée successifs à compter du 1er juillet 2009 jusqu’au 30 juin 2012.
2. Les parties ont conclu une transaction le 5 juillet 2012.
3. Contestant la validité de la transaction, le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 28 mars 2013.
4. L’employeur fait grief à l’arrêt de dire le protocole transactionnel nul de plein droit et de le condamner à payer au salarié diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture d’un contrat de travail à durée indéterminée, alors :
« 1° / que les juges du fond ne peuvent pas méconnaître l’objet du litige, tel qu’il s’évince des conclusions des parties ; que dans ses conclusions d’appel, le salarié ne demandait la nullité de la transaction qu’en raison d’un vice du consentement et d’une absence d’objet eu égard au faible montant des sommes allouées par rapport à l’ensemble des heures de travail effectuées, et ne se prévalait nullement, au soutien de sa demande de nullité, d’une contestation née ou à naître, à l’époque de la conclusion l’acte, tirée d’une succession ininterrompue de CDD et d’un engagement pris par l’employeur le 2 février 2012 d’embaucher M. [P] par CDI à l’issue de son CDD ; qu’en se fondant pourtant sur de tels éléments pour conclure au caractère dérisoire de la contrepartie consentie par l’employeur, la cour d’appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ en toute hypothèse que l’existence de concessions réciproques, qui conditionne la validité d’une transaction, doit s’apprécier en fonction des prétentions des deux parties au moment de la signature de la transaction ; qu’en l’espèce, lors de la signature de l’acte le salarié n’avait aucunement argué d’une contestation relative à la requalification de la relation contractuelle, en conséquence d’une succession ininterrompue de CDD et d’un engagement pris par l’employeur le 2 février 2012 d’embaucher M. [P] par CDI à l’issue de son CDD, mais avait seulement prétendu ne pas avoir été rémunéré intégralement pour l’ensemble des heures de travail effectuées lors de ses différents contrats de travail ; que dès lors, en appréciant l’existence de concessions réciproques en considération d’éléments qui ne correspondaient nullement aux prétentions des parties lors de la signature de l’acte, la cour d’appel a violé les articles 1134, 2044 et 2052 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;
3°/ que pour déterminer si les concessions réciproques sont réelles, le juge ne peut, sans heurter l’autorité de chose jugée attachée à la transaction, trancher le litige que cette transaction avait pour objet de clore en se livrant à l’examen des éléments de fait et de preuve ; qu’en l’espèce, pour affirmer que les concessions de l’employeur n’auraient pas été suffisantes, la cour d’appel a relevé que l’employeur avait conclu plusieurs contrats de travail à durée déterminée pour accroissement temporaire d’activité de façon ininterrompue et qu’il avait mis fin à la relation de travail le 30 juin 2012 après s’être engagée le 2 février 2012 à embaucher le salarié dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée ; qu’en tranchant ainsi le litige relatif à la rupture de la relation de travail que la transaction avait pour objet de clore, en se livrant à un examen des éléments de fait et de preuve, la cour d’appel a violé les articles 1134, 2044 et 2052 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;
4°/ que l’existence de concessions réciproques, qui conditionne la validité d’une transaction, doit s’apprécier en fonction des prétentions des deux parties au moment de la signature de la transaction ; qu’en l’espèce, pour stigmatiser le caractère dérisoire de la somme payée par l’employeur au titre de la transaction, la cour d’appel, par motifs éventuellement adoptés, s’est bornée à relever que le salarié prétendait que l’employeur lui devait a minima la somme de 4 341,54 euros nets sur l’ensemble des mois sur lesquels il avait effectué des heures supplémentaires ; qu’en statuant ainsi sans prendre en compte les prétentions de l’employeur, qui soutenait ne devoir aucune somme, étant en outre rappelé que les sommes finalement allouées au salarié au titre des heures travaillées ont été inférieures au montant de 500 euros prévu par la transaction, la cour d’appel a violé les articles 1134, 2044 et 2052 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause. »
5. Le salarié ayant sollicité la confirmation du jugement qui avait prononcé l’annulation de la transaction au motif que l’indemnité stipulée était d’un montant dérisoire, c’est sans méconnaître les termes du litige que la cour d’appel, après avoir écarté l’existence d’un vice du consentement, a annulé la transaction en raison du caractère dérisoire de la concession de l’employeur.
6. Ayant par ailleurs relevé, par motifs propres et adoptés, qu’après avoir employé le salarié selon plusieurs contrats à durée déterminée successifs ininterrompus pour accroissement temporaire d’activité, l’employeur s’était engagé unilatéralement le 2 février 2012 à l’embaucher par contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2012, qu’à l’issue du nouveau contrat à durée déterminée conclu à cette date, les parties avaient conclu une transaction aux termes de laquelle le salarié s’estimait rempli de ses droits relatifs à l’exécution et la rupture de tous les contrats de travail à durée déterminée dont il reconnaissait le bien-fondé et la régularité, et renonçait notamment à contester la qualification de ces contrats, moyennant le versement de la somme de 500 euros, la cour d’appel a pu décider que la somme stipulée en contrepartie de cette renonciation était manifestement dérisoire.
7. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SSP Méditerranée aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société SSP Méditerranée et la condamne à payer à la SCP Rousseau et Tapie la somme de 3 000 euros à charge pour elle de renoncer à percevoir l’indemnité prévue par l’Etat.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt et un. »
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