Haoui.com

Définition judiciaire de cadre dirigeant


A l’occasion d’un arrêt du 21 mai dernier, la Cour de cassation rappelle qu’un cadre est considéré « cadre dirigeant » s’il dispose d’une grande autonomie dans son emploi du temps et ses décisions et que sa rémunération fait partie des plus élevées…

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 5 mai 2021. Pourvois joints : 19-22.209 et 19-22.890.

[…]

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 4 juillet 2019), M. [W], engagé en qualité d’infirmier de bloc opératoire par la société Hôpital privé [Localité 1] le 22 septembre 1992, occupait en dernier lieu les fonctions de directeur des soins hospitaliers.

3. Se plaignant d’agissements de harcèlement moral, le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 10 avril 2012.

4. Il a été licencié le 6 août 2012 pour absence prolongée nécessitant son remplacement.

Examen des moyens

[...]

Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi de l’employeur. Enoncé du moyen

6. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié la somme de 40 000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail, alors « que l’augmentation des fonctions et responsabilités d’un salarié non assortie d’une augmentation de sa rémunération ne saurait caractériser un manquement de l’employeur dès lors que le salarié y a expressément consenti ; qu’en reprochant à la société Hôpital privé [Localité 1] de ne pas avoir fait bénéficier le salarié d’une augmentation de salaire en rapport avec les fonctions et les responsabilités qui lui avaient été confiées en 2009, lorsqu’il était constant et non contesté que le salarié avait expressément consenti à la modification de son contrat de travail en 2009, la cour d’appel a violé l’article 1134 devenu les articles 1103 et suivants du code civil, les articles L. 1221-1 du code du travail et l’article 1184 du code civil devenu les article 1224 et suivants du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1134, devenu 1103, du code civil :

7. Selon ce texte, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

8. Pour condamner l’employeur à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l’arrêt retient que son salaire n’a pas évolué lorsqu’il est devenu en 2009 directeur de soins infirmiers et que la non attribution d’une augmentation de salaire en rapport avec les fonctions et les responsabilités confiées caractérise un manquement contractuel grave de la part de l’employeur.

9. En statuant ainsi, alors qu’il n’était pas contesté que le salarié avait accepté en 2009 la modification de son contrat de travail, la cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser un manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles, a violé le texte susvisé.

Et sur le premier moyen du pourvoi du salarié. Enoncé du moyen

10. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande en paiement au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur et des astreintes, alors :

« 1°/ que sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que ces critères sont cumulatifs ; qu’en retenant la qualification de cadre dirigeant, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le critère de rémunération était rempli, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 3111-2 du code du travail ;

2°/ que sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l’entreprise ; qu’en retenant la qualification de cadre dirigeant, sans caractériser la participation du salarié à la direction de l’entreprise, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 3111-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 3111-2 du code du travail :

11. Selon ce texte sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. Ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l’entreprise.

12. Pour dire que le salarié avait la qualité de cadre dirigeant, l’arrêt retient que les fonctions attribuées à l’intéressé (fiche de poste) impliquent nécessairement une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps et des prises de décision autonomes, que nonobstant la mention de 151,67 heures par mois figurant dans les bulletins de salaire et dans le courrier du directeur des ressources humaines du 25 janvier 2013, il ressort de ces mêmes bulletins de salaire que le salarié a un coefficient de 712, soit 187 points au-dessus du premier coefficient du cadre supérieur, que ce coefficient vient confirmer le statut de cadre dirigeant, les différentes catégories de cadres recouvrant moins de 100 points chacun et que les explications de l’appelant sur ses fonctions viennent confirmer la fiche de poste de directeur des soins infirmiers, laquelle comprend des responsabilités importantes impliquant une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps.

13. En se déterminant par de tels motifs, sans rechercher si la rémunération effectivement perçue par le salarié se situait dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués au sein de la société, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société Hôpital privé [Localité 1] à verser à M. [W] la somme de 40 000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail et déboute M. [W] de ses demandes formées au titre des heures supplémentaires, de rappel de repos compensateur obligatoire et d’indemnités pour astreinte, l’arrêt rendu le 4 juillet 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille vingt et un.

Photo : Burst.

">