En 2009 une banque accorde une ouverture de crédit en compte courant, garantie par le cautionnement solidaire d’une personne caution. La société est placée en liquidation judiciaire en 2015 et la banque fait délivrer à la caution un commandement aux fins de saisie-vente. La caution assigne la banque faisant valoir la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus et le défaut de mise en garde de la banque. En appel, les juges ont considéré que l’action de la caution était prescrite car engagée en 2015 soit plus de 5 ans après la signature de l’acte de caution en 2009. Mais pour la Cour de cassation, le délai de prescription quinquennale ne pouvait courir qu’à partir de 2015, date de la première mesure d’exécution forcée engagée par le créancier contre la caution. L’action de cette dernière était donc recevable.
[…]
1. Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 20 décembre 2018, RG n° 18/00336), par un acte notarié du 9 octobre 2009, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Méditerranée (la banque) a consenti à la société VM réalisations (la société) une ouverture de crédit en compte courant, garantie, dans le même acte, par le cautionnement solidaire de Mme P... , épouse R... . La société a été mise en redressement judiciaire et a bénéficié d’un plan de redressement.
2. Par un acte du 28 janvier 2015, faisant suite à la résolution du plan et à la mise en liquidation judiciaire de la société, la banque a fait délivrer à la caution un commandement aux fins de saisie-vente.
3. Mme R... ayant, le 10 février 2015, assigné la banque devant le juge de l’exécution en annulation du commandement, la banque lui a opposé la prescription de son action.
Conformément aux articles 620, alinéa 2, et 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.
Vu les articles L. 110-4 du code de commerce et L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016 :
4. La contestation opposée par une caution, sur le fondement de la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus, à une mesure d’exécution forcée engagée par le créancier échappe à la prescription.
5. Pour déclarer Mme R... irrecevable, pour tardiveté, à opposer à la banque la disproportion manifeste de son engagement de caution à ses biens et revenus, l’arrêt, après avoir énoncé que la prescription applicable était celle prévue par l’article L. 110-4 du code de commerce, retient que le délai quinquennal de « l’action » dont la caution disposait pour contester l’acte fondant les poursuites à son encontre a commencé à courir à compter du 9 octobre 2009, date de conclusion du cautionnement, Mme R... ayant, dès la signature de l’acte, toutes les informations lui permettant de contester la portée ou la validité de son engagement. Il ajoute qu’il importe peu que l’instance ait été introduite par la caution en réponse à un acte d’exécution, dès lors qu’elle a agi par voie principale pour contester l’acte fondant les poursuites entreprises.
6. En statuant ainsi, alors que, tendant à contester la possibilité pour la banque de se prévaloir du titre exécutoire notarié fondant ses poursuites, le moyen tiré de la disproportion manifeste de l’engagement de la caution à ses biens et revenus, que celle-ci invoquait pour s’opposer à la saisie-vente, échappait à la prescription, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
7. Mme P... , épouse R... , fait grief à l’arrêt de la déclarer irrecevable en ce qu’elle oppose à la banque un manquement à son devoir de mise en garde et, en conséquence, de déclarer bon et valable le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 27 janvier 2015, alors « que le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité exercée par la caution contre une banque, en raison du manquement de cette dernière à son devoir de mise en garde, se situe au jour où la caution a su, par la mise en demeure qui lui a été adressée ou les voies d’exécution qui ont été diligentées à son encontre, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal ; qu’en fixant au contraire à la date de la conclusion du cautionnement le point de départ du délai quinquennal de prescription, pour en déduire l’irrecevabilité de l’action intentée par Mme P... , épouse R... , en tant qu’elle tendait à voir engager la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde, la cour d’appel a violé l’article L. 110-4 du code de commerce. »
8. La banque conteste la recevabilité du moyen, comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit. Elle soutient que Mme R... n’a pas prétendu, devant la cour d’appel, que le point de départ du délai de prescription de son action, fondée sur la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation de mise en garde, devait être fixé à la date de la mise en demeure d’exécuter son engagement de caution.
9. Cependant, tandis que Mme R... opposait, dans ses conclusions d’appel, l’absence de prescription de son action, la cour d’appel a retenu que celle-ci était acquise en fixant le point de départ de son délai à la date de la conclusion de l’acte de cautionnement. Il en résulte que, tiré de ce que la prescription avait commencé à courir, non à ce moment, mais à la date postérieure, mentionnée par l’arrêt, de l’exercice des voies d’exécution par le créancier, le moyen est né de la décision attaquée et, comme tel, recevable.
10. Le moyen est donc recevable.
Vu les articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et 2224 du code civil :
11. Le point de départ du délai de prescription de l’action en paiement de dommages-intérêts formée par la caution contre l’établissement de crédit créancier pour manquement à son devoir de mise en garde est le jour où elle a su que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal.
12. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l’action de Mme R... en responsabilité contre la banque pour manquement à l’obligation de mise en garde, l’arrêt se prononce par les motifs précités, fixant le point de départ unique de la prescription à la date de la conclusion de l’acte de cautionnement.
13. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que seul le commandement aux fins de saisie-vente délivré en janvier 2015 avait permis, à défaut d’un acte antérieur de mise en demeure ou d’exécution non mentionné par l’arrêt, à Mme R... de savoir que son engagement de caution allait être mis à exécution, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt n° RG : 18/00336 rendu le 20 décembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence […].
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