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Rupture conventionnelle et clause de non-concurrence


A la suite d’une rupture conventionnelle prenant effet le 5 mai 2015, une salarié demande le paiement de la contrepartie financière de sa clause de non-concurrence limitée à 1 an. L’entreprise lui répond le 11 septembre 2015 qu'elle avait été relevée de son obligation de non-concurrence à son égard depuis son départ. En justice, la Cour d’appel considère que la salariée ne pouvait être laissée dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler et condamne l’employeur à une contrepartie financière pour la période du 5 mai au 11 septembre 2015. Insuffisant selon la Cour de cassation car une renonciation tardive de la clause de non-concurrence oblige à payer la totalité de l'indemnité de non-concurrence.

Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale du 26 janvier 2022. Pourvoi n° : 20-15.755.

[…]

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon,19 février 2020), Mme [W] a été engagée le 11 septembre 1995 par la société S et W, aux droits de laquelle se trouve la société Altares D et B, et occupait en dernier lieu les fonctions de directrice des ventes.

2. La clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail a prévu, d'une part, qu'elle s'appliquerait pour une durée d'une année à compter de la rupture effective du contrat de travail, et d'autre part, que l'employeur aurait la faculté de se libérer de la contrepartie financière de cette clause en renonçant au bénéfice de cette dernière, par décision notifiée au salarié à tout moment durant le préavis ou dans un délai maximum d'un mois à compter de la fin du préavis (ou en l'absence de préavis, de la notification du licenciement).

3. Les parties ont signé une convention de rupture du contrat de travail le 27 mars 2015, avec effet au 5 mai 2015.

4. La salariée a demandé le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.

Examen des moyens

[…]

Mais sur le moyen relevé d'office

6. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 1237-13 du code du travail et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

7. La Cour de cassation juge qu'aux termes de l'article L. 1237-13 du code du travail, la convention de rupture conclue entre un employeur et un salarié fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation par l'autorité administrative. Elle en a déduit que le délai de quinze jours au plus tard suivant la première présentation de la notification de la rupture dont dispose contractuellement l'employeur pour dispenser le salarié de l'exécution de l'obligation de non-concurrence a pour point de départ la date de la rupture fixée par la convention de rupture. (Soc., 29 janvier 2014, pourvoi n° 12-22.116, Bull. 2014, V, n° 35).

8. Elle décide également qu'en cas de rupture du contrat de travail avec dispense d'exécution du préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l'obligation de non-concurrence, la date d'exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l'entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires. (Soc., 13 mars 2013, pourvoi n° 11-21.150, Bull. 2013, V, n° 72). Elle en déduit que l'employeur qui dispense le salarié de l'exécution de son préavis doit, s'il entend renoncer à l'exécution de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l'intéressé de l'entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires (Soc., 21 janvier 2015, pourvoi n° 13-24.471, Bull. 2015, V, n° 3). Elle décide de même qu'en cas de rupture du contrat de travail résultant de l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit, s'il entend renoncer à l'exécution de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l'intéressé de l'entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires (Soc., 2 mars 2017, pourvoi n° 15-15.405).

9. Ces solutions se justifient par le fait que le salarié ne peut être laissé dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler.

10. Il en résulte qu'en matière de rupture conventionnelle, l'employeur, s'il entend renoncer à l'exécution de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires.

11. Pour limiter à une certaine somme la contrepartie financière de la clause de non-concurrence allouée à la salariée, l'arrêt retient que la convention de rupture n'a pas réglé le sort de la clause de non-concurrence, de sorte que celle-ci demeurait applicable pendant une durée d'une année à compter de la rupture du contrat de travail intervenue le 5 mai 2015, que toutefois lorsque la salariée a demandé à l'employeur le versement de la contrepartie financière prévue au contrat de travail, au motif qu'elle ne l'avait pas déliée expressément de la clause, la société lui a répondu le 11 septembre 2015 qu'elle avait été relevée de son obligation de non-concurrence à son égard depuis son départ. L'arrêt ajoute que dès lors, peu important que les délais stipulés au contrat pour la dénonciation de la clause par l'employeur n'aient pas été respectés, puisqu'il n'y a pas eu en l'occurrence de préavis, ni de licenciement, mais accord sur le principe et la date de la rupture, il est établi qu'à compter du 11 septembre 2015, la salariée a été informée de la volonté de l'employeur de renoncer au bénéfice de cette clause. L'arrêt en déduit que dans ces conditions, celle-ci n'est fondée à solliciter la contrepartie financière de son obligation de respecter la clause de non-concurrence que pour la période du 5 mai au 11 septembre 2015.

12. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la date de rupture fixée par les parties dans la convention de rupture était le 5 mai 2015, ce dont il résultait que la renonciation par l'employeur au bénéfice de la clause de non-concurrence intervenue le 11 septembre 2015 était tardive, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen du pourvoi principal. Enoncé du moyen

13. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'indemnité de congés payés afférente à la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, alors « que la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence ayant la nature d'une indemnité compensatrice de salaire, elle ouvre droit à congés payés ; qu'en jugeant le contraire aux motifs que l'indemnité est payable postérieurement à la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 3141-22 du code du travail dans sa version alors applicable. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3141-1, L. 3141-22 et L. 3141-26 du code du travail :

14. Il résulte de ces dispositions que la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence ayant la nature d'une indemnité compensatrice de salaires, elle ouvre droit à congés payés.

15. Pour débouter la salariée de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés, l'arrêt retient que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, certes calculée sur la base du salaire, mais payable postérieurement à la rupture du contrat de travail, n'ouvre pas droit à des congés payés.

16. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident formé par la société Altares D et B ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Altares D et B à payer à Mme [W] la somme de 10 434,60 euros à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence, et en ce qu'il rejette le surplus de la demande de contrepartie financière et la demande d'indemnité de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 19 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne la société Altares D et B aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Altares D et B et la condamne à payer à Mme [W] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-deux.

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