Un employeur signe une rupture conventionnelle avec un salarié qui donne comme motif une reconversion professionnelle. Par la suite, l’entreprise conteste en justice cette rupture conventionnelle, invoquant le dol, après avoir constaté que le salarié s’était fait ensuite embaucher comme directeur commercial par un concurrent. La Cour d’appel donne raison à l’employeur. Mais la Cour de cassation renvoie les parties au fond. Les juges devront vérifier si le projet fictif de reconversion professionnelle présenté par le salarié à son employeur a déterminé le consentement de ce dernier à la rupture conventionnelle.
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1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 25 février 2020), M. [C] a été salarié de la société Cotrans-Cadjee à compter du 1er janvier 1999, et exerçait en dernier lieu les fonctions de conseiller commercial.
2. Le 26 avril 2016, le salarié et la société Cotrans automobiles, venant aux droits de la société Cotrans-Cadjee ont signé une convention de rupture du contrat de travail.
3. L'employeur a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de nullité de la rupture conventionnelle.
4. Le salarié fait grief à l'arrêt d'annuler pour cause de dol la rupture conventionnelle du 26 avril 2016, de dire que celle-ci a valeur de démission et de condamner le salarié à payer à l'employeur des sommes à titre d'indemnité de rupture conventionnelle versée par l'employeur et de préavis non réalisé, alors « que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; que le dol ne se présume pas et doit être prouvé ; qu'en se bornant à retenir, pour annuler la rupture conventionnelle convenue entre les parties, que le véritable motif de la rupture conventionnelle de M. [C] était son embauche par la concurrence comme directeur commercial et non un supposé projet de reconversion professionnelle et que le fait d'avoir invoqué un projet fallacieux tout en faisant abstraction de son embauche par la société RMS pour obtenir l'accord de son employeur était une manœuvre constitutive d'un dol au préjudice de la société Cotrans automobiles, sans constater que, si les manœuvres invoquées n'avaient pas existé, il était évident que l'employeur n'aurait pas contracté, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-11 du code du travail, ensemble l'article 1116 du code civil. »
5. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est nouveau, en ce que le salarié n'a pas contesté le caractère déterminant des manœuvres employées.
6. Cependant, le moyen n'est pas nouveau dès lors que le salarié a contesté devant la cour d'appel l'existence de manœuvres dolosives.
7. Le moyen est donc recevable.
Vu l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 16 février 2016 :
8. Selon ce texte, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; il ne se présume pas et doit être prouvé.
9. Pour annuler la rupture conventionnelle du contrat de travail, l'arrêt retient que le véritable motif de la rupture conventionnelle est l'embauche du salarié par la concurrence comme directeur commercial et non un supposé projet de reconversion professionnelle, et que le fait d'avoir invoqué ce projet fallacieux tout en faisant abstraction de son embauche par une société concurrente pour obtenir l'accord de son employeur est une manœuvre constitutive d'un dol au préjudice de ce dernier.
10. En se déterminant ainsi, sans constater que le projet de reconversion professionnelle présenté par le salarié à son employeur a déterminé le consentement de ce dernier à la rupture conventionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion autrement composée ;
Condamne la société Cotrans automobiles aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cotrans automobiles et la condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-deux.
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