David, jeune paysan du Cantal, a une idée : pour sauver son exploitation de la faillite, il va monter un cabaret à la ferme ! Le spectacle sera sur scène et dans l’assiette, avec les bons produits du coin. Il en est sûr, ça ne peut que marcher. Ses proches, sa mère et surtout son grand-père, sont plus sceptiques.
Quand avez-vous découvert l’histoire des « Folies fermières » ?
En janvier 2018, je suis tombé sur un reportage consacré à David Caumette aux actualités régionales de France 3. Son récit a résonné en moi comme une évidence : j’allais en faire un film. Trois semaines plus tard, ma productrice, Sophie Révil, et moi nous rendions dans le Tarn pour rencontrer David.
Qu’est-ce qui vous touchait dans cette aventure ?
L’homme d’abord, et sa façon de répondre à la situation difficile dans laquelle se trouvait son exploitation par une idée aussi fantaisiste que celle de la création d’un cabaret. Je trouvais beau qu’il ne se lance pas dans cette entreprise pour changer d’activité mais qu’il le fasse pour sauver sa ferme. Il a une idée fixe, beaucoup d’obstacles à surmonter et n’en démord pas. C’était un vrai personnage de cinéma ; un opiniâtre comme je les adore. Les moments d’accablement qu’il a traversés m’ont beaucoup ému. À force d’affronter des tempêtes, il m’a confié avoir sérieusement pensé un jour mettre fin à ses jours. Il faut savoir que, à cause des difficultés qu’ils traversent, de l’isolement et de la fatigue accumulée à travailler sans cesse sans gagner un centime, un agriculteur français se suicide chaque jour.
Ce film, c’est aussi, c’est d’abord la rencontre de deux mondes totalement étrangers l’un à l’autre.
Oui, il ne s’agissait pas seulement de dépeindre la condition du milieu paysan, mais une petite collectivité de gens éloignés, agriculteurs et artistes, d’origines et de physiques disparates ; de filmer leur rencontre avec les a priori terribles qu’elle suscite. Chacun pense que l’autre le regarde avec mépris, qu’il est mieux ou qu’il est moins bien. Ce sont les culs terreux, comme David se traite lui-même, contre les gens de la ville… Un mélange complexe et passionnant.
En mai 2019, aidé d’Anne Leblé, David Caumette a consacré un livre à son expérience.
Le film ne s’en inspire pas. Avec Jean-Luc Gaget, mon coscénariste, nous avions démarré l’écriture bien avant, rejoints par la suite par les scénaristes Marion Michau et Murielle Magellan qui y ont apporté leur touche de légèreté. L’écriture a été un long processus qui nous a pris plus d’un an et demi. Elle s’est essentiellement basée sur le récit que m’avait fait David lors de notre rencontre.
À quels problèmes avez-vous dû faire face durant cette étape ?
La plus grande difficulté résidait dans le caractère choral du film. Je ne m’étais jamais confronté à ce genre. Aucun personnage ne devait être sacrifié.
David Caumette est-il intervenu pendant l’écriture ?
Nous lui avons fait lire les différentes versions du scénario dont il a validé l’écriture finale. Nous avons tenu compte de ses remarques qui portaient essentiellement sur le fonctionnement concret d’une exploitation.
Avez-vous rencontré beaucoup d’autres agriculteurs durant cette période ?
C’était indispensable. «Les Folies fermières» ne pouvait pas être la lubie d’un Lyonnais parisien réalisateur. Je n’ai pas d’origine paysanne, je me suis donc immergé, comme toute l’équipe, dans la réalité du milieu paysan. Ces gens devaient pouvoir se reconnaître. J’ai passé du temps avec eux et découvert leur monde. C’est ce que j’aime dans mon métier : on ouvre des portes, on apprend… Pour bien savoir filmer quelque chose, il faut l’avoir vu et beaucoup observé.
Comment travaillez-vous la mise en scène en amont ?
Je ne suis pas un improvisateur, je prépare donc énormément, c’est la clé, et c’était d’autant plus important sur ce film que les acteurs étaient nombreux. Avec mon assistant et Virginie Saint-Martin, ma chef opératrice, dont j’apprécie le travail depuis «Marie Heurtin» et «Une famille à louer», nous avons répété tous les déplacements sur place avant le tournage.
Aviez-vous des envies particulières sur ce film ?
Je voulais des plans larges ; beaucoup de plans larges… À la fois inscrire les personnages dans le paysage et montrer tout le groupe agissant ensemble.
Quel directeur d’acteurs êtes-vous ? Faites-vous beaucoup de prises ?
J’en fais de moins en moins. J’ai tourné beaucoup de plans dans «Les Folies fermières» mais je n’ai pas fait tellement de prises. Quand les acteurs sont vrais, pas besoin d’aller chercher midi à quatorze heures !
Comédie, drame de Jean-Pierre Améris. 3,3 étoiles sur AlloCiné.