Un salarié, ayant conduit sa voiture de fonction sous l’empire d’un état alcoolique en revenant d’un salon professionnel où il s’était rendu sur instruction de son employeur, est licencié pour faute grave. La Cour de cassation donne raison à l’employeur estimant que les faits reprochés se rattachaient à la vie professionnelle du salarié et non à sa vie personnelle.
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1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 juin 2020), M. [Z] a été engagé le 25 mars 2002 par la société Manchettes résines réhabilitation de réseaux en qualité d'aide conducteur de travaux. Il occupait en dernier lieu les fonctions de chef d'équipe.
2. Le salarié a été licencié pour faute grave le 21 juillet 2015.
3. Il a saisi la juridiction de prud'homale de diverses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail.
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5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement pour faute grave justifié et de le débouter de ses demandes, alors :
« 1°/ qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; que le fait pour un salarié qui utilise un véhicule dans l'exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail ; que l'exposant soutenait que l'accident s'était produit en dehors du temps de travail, entre 22 heures et 23 heures et qu'il n'était plus sous la subordination de son employeur, que le fait que le véhicule endommagé soit une voiture de fonction ne suffisait pas à conférer à l'accident un caractère professionnel dès lors qu'il l'utilisait tant dans le cadre de sa vie professionnelle que personnelle et enfin que l'accident ne s'était pas produit durant un trajet anormal et inhabituel dépassant le temps de trajet domicile-travail, dès lors qu'il n'avait reçu aucune contrepartie financière ou de repos à ce titre ; qu'en considérant, pour retenir une faute grave à l'encontre du salarié, qu'il avait agi sur instruction de son employeur en se rendant au salon professionnel et que l'accident qu'il avait provoqué sur le trajet du retour à son domicile, sous l'empire d'un état alcoolique, en outre avec le véhicule de l'entreprise, constituait un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail sans répondre à ces conclusions desquelles il résultait que l'infraction commise par le salarié dans le cadre de sa vie personnelle ne pouvait être regardée comme une méconnaissance de ses obligations découlant de son contrat de travail, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; qu'en considérant, pour retenir une faute grave à l'encontre du salarié, qu'il avait agi sur instruction de son employeur en se rendant au salon professionnel et que l'accident qu'il avait provoqué sur le trajet du retour à son domicile, sous l'empire d'un état alcoolique, en outre avec le véhicule de l'entreprise, constituait un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail, sans préciser, au-delà de la faute pénale commise, l'obligation découlant du contrat de travail à laquelle le salarié aurait manqué ni en quoi l'infraction constituait un manquement à l'une de ses obligations contractuelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
3°/ que sont qualifiés de temps de travail effectif, et à ce titre, rémunérés comme tels, les temps de déplacement professionnel au cours desquels le salarié se trouve soumis à l'autorité de son employeur et qui correspondent à la définition du temps de travail effectif résultant de l'article L. 3121-1 du code du travail ; que l'exposant faisait valoir que l'accident s'était produit après 22 heures, que l'employeur n'établissait pas qu'il avait travaillé jusqu'à 22 heures, faute de produire l'horaire de fermeture du salon professionnel auquel il s'était rendu et que ses bulletins de paie ne faisaient apparaître aucune majoration d'heures supplémentaires, de travail de nuit ou contrepartie financière ou repos, de sorte que si l'accident s'était produit à l'occasion d'un déplacement professionnel, il avait eu lieu en dehors du temps de travail et ne pouvait justifier un licenciement pour faute ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que l'accident s'était produit lors du trajet retour d'un salon professionnel au domicile du salarié et que ce temps de trajet inhabituel et anormal était assimilé à du temps de travail effectif pour considérer que celui-ci avait manqué une obligation d'exécution consciencieuse de son contrat de travail, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée si, compte tenu de l'heure à laquelle l'accident s'était produit, après 22 heures, bien après la fin du salon professionnel auquel il avait assisté sur instruction de son employeur, le salarié se trouvait dans un temps ressortant de sa vie personnelle et n'était plus soumis à l'autorité de son employeur, en sorte qu'il importait peu que l'accident se soit produit sur le trajet retour à son domicile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail. »
6. La cour d'appel a relevé que les faits visés dans la lettre de licenciement, dont le salarié ne contestait pas la matérialité, avaient été commis, alors qu'il conduisait sous l'empire d'un état alcoolique son véhicule de fonction, au retour d'un salon professionnel, où il s'était rendu sur instruction de son employeur, de sorte que les faits reprochés se rattachaient à la vie professionnelle du salarié.
7. La cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à un moyen insusceptible d'avoir une influence sur la solution du litige ni à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux.
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