Un salarié conteste en justice avoir écrit sa lettre de démission. La Cour d’appel juge irrecevable sa contestation mais pas la Cour de cassation. Selon elle, les juges auraient du procéder à une vérification d’écriture.
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1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 6 novembre 2019), M. [E] a été engagé par la société Securiplus (la société), à compter du 8 décembre 2011, selon un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'agent de sécurité. Le 25 janvier 2012, la société a notifié au salarié le terme de la période d'essai et la rupture du contrat au 31 janvier 2012.
2. M. [E] a été, à nouveau, engagé par la société à compter du 14 mai 2012 selon un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.
3. Faisant valoir que la société ne lui fournissait plus de travail et qu'une indemnisation lui était refusée par Pôle emploi en raison d'une démission au titre de ce second contrat, M. [E] a saisi un conseil de prud'hommes aux fins de condamnation de la société au paiement de diverses sommes.
4. Par un jugement du 18 décembre 2015, le conseil de prud'hommes a condamné la société à payer à M. [E] une somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de visites médicales et a débouté les parties de leurs demandes.
5. M. [E] a relevé appel de ce jugement.
6. M. [E] fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant au paiement d'un rappel de salaire pour la période du 24 mai 2012 au 30 juin 2012, d'une indemnité pour rupture abusive du contrat de travail et d'une indemnité pour licenciement irrégulier, alors « qu'il appartient au juge, devant lequel un écrit est argué de faux, de procéder à la vérification de l'écrit contesté, cette vérification devant être faite au regard de l'original contesté ; qu'en l'espèce, la cour d"appel, qui n'a procédé à aucune vérification d'écriture, quand le salarié contestait avoir démissionné le 18 mai 2012 et avoir établi la lettre produite à cet égard par l'employeur, dont il affirmait qu'elle était un faux réalisé grâce à un montage, a violé les articles 287 à 295 du code de procédure civile, ensemble l'article 299 de ce même code. »
Vu les articles 287 et 288 du code de procédure civile :
7. Il résulte de ces textes que, lorsque l'écriture ou la signature d'un acte sous seing privé est déniée ou méconnue, il appartient au juge de vérifier l'écrit contesté, à moins qu'il puisse statuer sans en tenir compte ou qu'il trouve dans la cause des éléments de conviction suffisants.
8. Pour rejeter la demande en vérification d'écriture formée par le salarié, lequel a soutenu en cause d'appel n'avoir jamais établi la lettre de démission qui lui est opposée, l'arrêt retient que celui-ci ne justifie d'aucun début de commencement de preuve qu'il ait pu effectuer un travail à la demande de la société postérieurement au 23 mai 2012, aucun élément ne permettant de laisser supposer que la démission n'était pas claire et sans équivoque et que ce document soit un faux.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié contestait la véracité de la lettre de démission qui lui était imputée, la cour d'appel, qui devait procéder à une vérification d'écriture, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne la société Securiplus et M. [Y] [R], en qualité de liquidateur amiable de la société Securiplus, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Securiplus et M. [Y] [R], en qualité de liquidateur amiable de la société Securiplus, et condamne la société Securiplus à payer à la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel la somme de 1 800 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt-deux.
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