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Résolution du bail d’un local édifié sans permis de construire


Un locataire découvre que le local dans lequel il exerce son activité a été édifié sans permis de construire. Il demande alors au bailleur la  résolution du bail et la réparation du préjudice subi. La Cour d’appel lui donne tort mais pas la Cour de cassation. Selon elle, le bailleur a manqué à son obligation de délivrance.

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, civile, du 1er juin 2022. Pourvoi n° : 21-11.602

[…]

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 30 janvier 2020), Mme [C] [Y], Mme [E] [D], Mme [K] [D], M. [B] [D], M. [N] [D], M. [L] [D] et Mme [T] [D] (les consorts [D]) ont donné à bail commercial à la société La Vénitienne un local édifié sans permis de construire.

2. La société La Vénitienne a assigné les consorts [D] en résolution du bail à leurs torts et en réparation de ses préjudices.

Examen des moyens. Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche. Enoncé du moyen

3. La société La Vénitienne fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de résolution du bail aux torts des consorts [D] et en réparation de ses préjudices, alors « que le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée ; que pour juger que la société locataire ne démontre pas que les bailleurs ont manqué à leur obligation de délivrance, la cour d'appel a retenu qu'elle exploitait le local litigieux conformément à sa destination, qu'un commerce identique était exploité dans les lieux de manière constante depuis 1996, qu'elle ne produisait pas de courrier de l'administration lui enjoignant de quitter les lieux et que selon l'expert, l'absence de régularité de la situation administrative du local n'avait pas d'incidence directe sur l'exploitation quotidienne du fonds de commerce ; qu'en se prononçant ainsi, après avoir relevé, pour retenir une faute à l'encontre des bailleurs, que la chose louée était affectée d'un défaut de conformité dont il n'était pas démontré qu'il était régularisable, causant des troubles d'exploitation à la société locataire « consistant en des difficultés pour assurer les lieux, de fortes restrictions quant aux capacités de développement de son commerce, ainsi qu'en une limitation drastique de sa capacité à vendre son fonds du fait du risque de perte du local d'exploitation en cas d'injonction administrative de démolir », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1719 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1719 du code civil :

4. Selon ce texte, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'une stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée.

5. Pour rejeter la demande de la société La Vénitienne en résolution du bail, l'arrêt retient qu'elle exploite le local litigieux, conformément à sa destination de commerce de pizzas à emporter, depuis la signature du bail, et que l'absence de régularité de la situation administrative du local n'a pas d'incidence directe sur l'exploitation quotidienne du fonds de commerce et ne peut légitimer le non-paiement des loyers.

6. L'arrêt retient, encore, que le défaut de permis de construire affectant le local commercial, dont les consorts [D] ne démontrent pas qu'il puisse être régularisé, est source de troubles d'exploitation consistant en des difficultés pour assurer les lieux, de fortes restrictions quant aux capacités de développement du commerce, ainsi qu'en une limitation drastique de la capacité du preneur à vendre son fonds du fait du risque de perte du local d'exploitation en cas d'injonction administrative de démolir.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le pourvoi principal entraîne, par voie de conséquence, l'annulation des dispositions critiquées par le moyen du pourvoi incident fixant le montant des préjudices subis par la société La Vénitienne, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;

Condamne Mme [C] [Y], Mme [E] [D], Mme [K] [D], M. [B] [D], M. [N] [D], M. [L] [D] et Mme [T] [D] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [C] [Y], Mme [E] [D], Mme [K] [D], M. [B] [D], M. [N] [D], M. [L] [D] et Mme [T] [D] et les condamne à payer à la société La Vénitienne la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux.

Photo : Brett Sayles - Pexels.

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