"En début d'année, Serge s'était rendu en Suisse pour faire une cure de bouillon. Harcelé par Valentina pour changer de corps, il avait accepté une retraite dans une clinique de médecine intégrative sur le lac de Vaar. Là, humant l'air du Waponitzberg sur sa terrasse panoramique et carrelée, engoncé dans une pelisse de mouton et ceint d'une couverture, il entamait à prix d'or son repos digestif (autrefois dit jeûne) par un bouillon de légumes et une eau minérale. Le lendemain, le bouillon disparaissait du protocole et ne lui restait que l'eau et la tisane aromatique à volonté. Une impression de malheur l'avait assailli."
Yasmina Reza est une écrivaine, dramaturge et scénariste française née à Paris le 1er mai 1959. Déjà remarquée lors de sa première pièce, Conversations après un enterrement, elle acquiert une réputation en France et à l’étranger grâce à ses pièces Art et Le Dieu du carnage. Récoltant de nombreux prix autant pour ses œuvres théâtrales que pour ses écrits littéraires, elle a reçu le prix Renaudot pour son roman Babylone en 2016.
Un succès dès ses débuts
Yasmina Reza naît sous le nom d’Évelyne Reza le 1er mai 1959 à Paris. Fille d’une violoniste hongroise et d’un ingénieur russo-iranien ayant tous les deux fui le communisme pour se réfugier en France, elle grandit dans le milieu cosmopolite des familles juives d’Europe centrale venues s’installer à Paris.
Après avoir obtenu son bac en 1975, elle se lance dans des études de théâtre et de sociologie à l’Université Paris-Nanterre, dont elle ressort diplômée en 1978. Elle commence ensuite à travailler comme comédienne dans des pièces de Marivaux et de Molière. Yasmina Reza fait également ses premiers pas en tant que scénariste en écrivant le script de Jusqu’à la nuit (1983) de Didier Martiny.
Attirée par l’écriture, elle s’inscrit aux cours de Jacques Lecoq en 1984, puis, influencée par le théâtre de Nathalie Sarraute, elle écrit sa première pièce, Conversations après un enterrement (1987). Le succès lui sourit déjà, puisqu’elle reçoit trois prix, dont le Molière du meilleur auteur. C’est toutefois après la naissance de ses deux enfants que Yasmina Reza va se faire connaître non seulement en France, mais aussi à l’étranger. En 1994, sa pièce Art est créée à la Comédie des Champs-Élysées, avec Pierre Arditi et Fabrice Luchini dans les rôles principaux. Le triomphe est total et s’exporte dans le monde entier après sa production londonienne deux ans plus tard. En 1997, Yasmina Reza se lance un nouveau défi en publiant un premier récit non destiné à la scène, Hammerklavier. Là encore, le succès est au rendez-vous, et les critiques la couvrent d’éloges.
Yasmina Reza actrice
Si elle préfère l’écriture, Yasmina Reza a aussi une formation d’actrice, et a joué dans quelques films. On la voit notamment dans Que les gros salaires lèvent le doigt ! (1982) de Denys Granier-Deferre, Jusqu’à la nuit (1983) de Didier Martiny, et dans Loin (2001) d’André Téchiné.
Une ascension continue vers la célébrité
Continuant à écrire pour le théâtre avec L’homme du hasard (1995), Trois versions de la vie (2001) et Une pièce espagnole (2004) et se lançant dans l’écriture de romans en 1999 avec Une désolation, Yasmina Reza fait à nouveau énormément parler d’elle en 2006, avec la sortie de sa pièce Le Dieu du carnage, créée avec Isabelle Huppert, qui enrichit sa collection de trophées français et internationaux. Un an plus tard, la dramaturge s’essaye à un autre genre d’écriture avec L’Aube le soir ou la nuit (2007), portrait de la conquête du pouvoir de Nicolas Sarkozy lors de sa campagne électorale. Après avoir travaillé comme scénariste pour d’autres réalisateurs, Yasmina Reza décide de réaliser elle-même l’adaptation cinématographique d’Une pièce espagnole dans le film Chicas (2010). Un an plus tard, elle rédige le script de Carnage (2011) de Roman Polanski, fondée sur sa célèbre pièce Le Dieu du carnage. Que ce soit à travers son œuvre scénique, ses romans ou ses scénarios, Yasmina Reza parvient toujours à traiter de la violence avec légèreté, utilisant l’humour pour cacher son pessimisme et mettre en lumière le ridicule et les défauts de ses personnages. Son écriture scénique est d’ailleurs qualifiée par l’enseignant et chercheur Salah El Gharbi de « théâtre des paradoxes » dans l’ouvrage qu’il lui a consacré.
Les dernières œuvres de Yasmina Reza :
- Bella Figura (pièce, 2015)
- Babylone (roman, 2016)
- Anne-Marie la Beauté (roman, 2020)
Une auteure couronnée de prix
Son Molière de l’auteur obtenu en 1987 pour Conversations après un enterrement n’est que le début d’une longue série de récompenses pour Yasmina Reza. Sa pièce Art (1994) lui permet de remporter le deuxième Molière de l’auteur de sa carrière, mais aussi ses premiers Laurence Olivier Award et Tony Award de la meilleure pièce, deux prix britanniques qu’elle obtiendra également pour Le Dieu du carnage en 2009. Côté littérature, l’écrivaine a également reçu plusieurs honneurs, dont le prix de la nouvelle de l’Académie française en 1998 pour Hammerklavier, le prix littéraire du Monde en 2013 pour Heureux les heureux et, surtout, le prix Renaudot pour Babylone en 2016. Elle aura enfin été récompensée aussi pour ses talents de scénariste en se voyant décerner le César de la meilleure adaptation pour le Carnage en 2012.
Le plus grand honneur pour Yasmina Reza est toutefois celui d’être aujourd’hui la dramaturge française la plus jouée dans le monde. Ses pièces sont, en effet, traduites et interprétées dans plus d’une trentaine de langues.
Edition Gallimard. 256 pages. 7,80 €.