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Une nuit


Paris, métro bondé, un soir comme les autres. Une femme bouscule un homme, ils se disputent. Très vite le courant électrique se transforme… en désir brûlant. Les deux inconnus sortent de la rame et font l’amour dans la cabine d’un photomaton. La nuit, désormais, leur appartient. Dans ce Paris aux rues désertées, aux heures étirées, faudra-t-il se dire au revoir ?

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Entretien avec le réalisateur, Alex Lutz

Quand vous écrivez le scénario du film, est-il évident que vous allez interpréter le personnage ? 
Pas forcément. Même pour Guy, à un moment je me suis dit : pas moi. Et en même temps, je sais le faire, ça, ces histoires-là. Ce qui ne veut pas dire que tout ce que je vais écrire, je le joue - rai. J’ai des envies d’écrire pour d’autres gens, juste pour eux et de les réaliser. Outre les films que je veux réaliser, j’ai des propositions d’acteur, on pense à moi, mais raisonnablement, pas exagérément… Puisque j’écris et je réalise, j’en profite aussi pour m’offrir des rôles que j’ai bien envie de jouer. Et là, pour Une nuit, de jouer le personnage d’un couple. Plein de choses sont inversées, le récit, l’âge… ayant un peu marre qu’on me mette en tant qu’acteur avec des filles qui ont 25 ans de moins que moi. Et là, avec Karin Viard, ça marche très bien.

Vous avez fait des répétitions avec Karin Viard avant le tournage ?
Nous avons fait trois lectures ensemble. J’ai plutôt une petite mélancolie très 19ème siècle et Karin Viard un côté très concret, façon « on doit s’amuser quand même », que j’ai aussi. Par son personnage et son jeu, elle amène dans le film une vraie santé, face à la fragilité de mon personnage. Autre jeu d’inversion par rapport à ce qu’on raconte souvent et à ce que chacun, homme et femme, selon les conventions, se doit d’être. Elle  apparait parfois comme un élément moteur, solide, sans que cela soit systématique, avec des passages de relais de l’un à l’autre.

Dans ce film où on parle beaucoup, on devine que les dialogues ont été très écrits. 
En partie, oui. Il y a eu beaucoup d’improvisation autour d’un canevas de dialogues très écrits. Dans Guy, on pouvait se perdre dans l’improvisation, là on se perdait mais d’une manière plus tenue avec un texte beaucoup plus construit. Je l’avais écrit, mon premier assistant et coscénariste Hadrien Bichet m’a ensuite accompagné, sur la structure, les reprises de dialogue. Ensuite, Karin a eu son mot à dire. Par exemple, pour la longue scène sur le banc où il est question de l’alchimie entre deux personnes, tout était écrit, mais on n’apprenait pas trop le dialogue tout en ayant en tête le déroulement de pensée.

En plus de la règle du jeu qu’ils se sont fixée (jouer à ne pas se connaître), les personnages se livrent à des jeux, comme dans la scène du restaurant chinois où ils s’amusent à imaginer la vie des autres clients. Ils élargissent ainsi leur cercle tout en revenant à eux. 
Il y avait une scène similaire dans Guy, quand le personnage est au restaurant avec son fils. Ils se réconcilient vraiment quand il lui dit : «C’est marrant, nous les hommes, nous sommes capables d’être très longtemps ensemble sans rien se dire et ça va quand même. » Et le fils ajoute : « Moi ce que j’aime bien faire, c’est de penser que tout le monde est un tueur en série. » Et Guy répond : « C’est un jeu qui peut me plaire. » Il y a par le jeu une forme de réconciliation. Par l’humour aussi, car je viens aussi de cela. L’imagination, c’est ce que j’aime dans l’humour. C’est la bûche mise par l’un et l’autre qui rajoute la sienne. Le sentiment d’être sur la même longueur d’ondes. C’est exceptionnel ce que cela procure.

Il y a la chronologie du récit, le temps de la nuit et ces images d’avant qui s’invitent dans le récit, dans le club échangiste et à la fin, sur le pont. C’était dans le scénario ou une idée venue au montage ?
C’est le fruit du travail avec la monteuse Monica Coleman qui m’a fait des propositions à partir de ce que j’avais écrit : le duel, se retourner, la panique de ne pas se voir, l’étreinte qui dure, pendant laquelle je souhaitais des éléments sonores, avec des messages téléphoniques, des phrases de dialogue, liées au monde médical. Au final, ouvrir la parole à d’autres à la toute fin. Cela ne marchait pas, ça brouillait les choses. Sur la suggestion de Monica Coleman, on a résolu cela avec les images qu’on avait.

Dans la musique du film, le piano a une place centrale.
Oui, Tchaikovsky « Juin : Barcarolle » et César Franck « Prélude, fugue et variation » ainsi que le thème que Vincent Blanchard, le compositeur de la musique, a créé, conçu comme une fugue. Je souhaitais que le film, dans sa nar - ration, la variation des scènes, soit composé comme une étude pianistique. Au début tu as «Juin», mais réinterprété, avec des accords plaqués, et ensuite on le retrouve dans sa version plus connue, avec ses arpèges et plus tard dépouillé de certaines notes. On le retrouve à la fin, sur le pont, avec le piano imaginaire. Dans la fugue, tu as une thématique harmonique, tu l’enrichis ou tu l’ellipses, tout en gardant cette harmonie. Avec ses trois thématiques harmoniques (Tchaikovsky, Franck, la musique de Vincent Blanchard), nous avons composé notre fugue.

Drame, romance de Alex Lutz. 1 prix et 2 nominations au Festival du Cinéma et Musqiue de Film de la Baule 2023 (édition 9). 3,2 étoiles sur AlloCiné.

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