Ingénieur en aéronautique chez ArianeGroup, Jim se consacre depuis des années à un projet secret : construire sa propre fusée et accomplir le premier vol spatial habité en amateur. Mais pour réaliser son rêve, il doit apprendre à le partager…
Après votre premier long-métrage, Du soleil dans mes yeux, qui était centré sur les retrouvailles houleuses entre une jeune mère et son fils, vous revenez sur le grand écran avec un film sur un rêve d’espace. Qu’est-ce qui explique ce saut entre deux univers si différents ?
Je ne sais pas. Pas plus que je ne sais jamais ce qui me pousse vraiment à écrire sur tel ou tel sujet. Un jour, une idée arrive, d’abord embryonnaire. Parfois elle s’évanouit, parfois elle se développe… Sans que je comprenne exactement comment, des informations affluent, des fantasmes se créent, des sons et des images surgissent, et une histoire se dessine. J’imagine que l’astronaute porte en lui mon envie de cinéma.
Doit-on en déduire qu’avant ce nouveau film, vous n’étiez pas un passionné d’astronautique ?
Pas plus que ça. Je vis en pleine campagne, entouré d’arbres. J’aime le silence et l’espace. Ceci étant dit, quoique j’entreprenne, que ce soit jardiner ou écrire, il faut que je m’implique totalement et que j’aille jusqu’au bout. Pourquoi ai-je eu soudain besoin de parler de cette obsession jusqu’au-boutiste à travers un film sur un personnage habité par l’envie d’aller dans l’espace ? Franchement, cela me dépasse.
Même si c’est une fiction, on ne peut pas se lancer dans un film comme L’Astronaute sans un minimum de connaissances techniques et scientifiques. Comment avez-vous procédé ?
La culture populaire et le rêve m’ont beaucoup apporté. Ensuite, j’ai évidemment approfondi le sujet. Par ailleurs, le producteur du film, Christophe Rossignon, est passionné par l’astronautique. Grâce à lui, j’ai rencontré Jean-François Clervoy, un vrai astronaute, qui a eu l’amitié de considérer dès le début le projet. Mon souhait a toujours été de faire un film réaliste. Et lorsque le travail d’écriture a été bien avancé, j’ai eu entretien avec Nicolas Giraud cette la chance que ArianeGroup m’ouvre ses portes. À partir de là, tout est devenu possible, parce que d’un seul coup, tout allait devenir crédible, plausible.
Jusqu’où êtes-vous allé ?
C’est un peu impudique de le formuler, mais pour L’Astronaute, j’ai investi tout ce que j’avais. Et comme Jim, au bout d’un moment, je me suis retrouvé en difficulté financière. Christophe Rossignon, Mathieu Kassovitz, Hélène Vincent et toute l’équipe savaient que je tirais le diable par la queue pour mener à bien le projet, mais ils savaient aussi que quoiqu’ils me disent, j’irai jusqu’au bout. J’étais d’autant plus déterminé que Jean-François Clervoy, devenu le conseiller technique du film, m’avait assuré que mon projet tenait debout. Dans le film, Jim met huit ans à construire sa fusée. J’en ai mis cinq à «accoucher» du film.
Jim, c’est vous ?
Une partie de moi. Tout comme l’était le petit garçon de Du soleil dans mes yeux interprété par Noah Benzaquen - dont la grand-mère était déjà Hélène Vincent. J’incarne Jim pour m’inscrire totalement dans le processus de réalisation. Je savais, à chaque instant, ce que je voulais que Jim fasse ou pense. Jim croit en ses rêves. Et ses rêves l’éclairent, le guident et le portent dans sa vie.
Vous deviez diriger un film souvent techniquement assez compliqué et en même temps, puisque vous jouiez le rôle-titre, vous tenir constamment devant la caméra. Vous n’avez jamais eu peur de ne pas y arriver ?
Le plateau est l’endroit où je me sens le plus capable, le plus disposé à agir. Et puis, j’étais bien entouré. Le casting était sensationnel et l’équipe technique formidable. On était tous là, chaque jour pile à l’heure prévue, pour tourner le même film, chacun à son poste, ensemble. Ça donne une force insoupçonnable.
Votre film mélange les générations. Jim, par exemple, vit avec sa grand-mère… C’est vous aussi, ce besoin d’être entouré de personnes d’âges, de culture et de milieu différents…
J’aime le partage, la transmission. Chaque génération a ses qualités. J’aime les allier. Elles apportent toutes quelque chose, un point de vue, une énergie. Ma grand-mère paternelle vient d’avoir quatre vingt-dix ans. Elle a été essentielle à ma vie de petit garçon, de jeune homme. Dans le film, c’est Hélène Vincent qui l’interprète. Hélène et moi, c’est une belle histoire. On se respecte, on se comprend et on aime travailler ensemble. J’ai de la chance, dans ma vie privée, j’ai une super grand-mère et dans ma vie de cinéaste, c’est Hélène Vincent qui vient illuminer mes films.
Y-a-t-il des séquences qui vous ont donné du fil à retordre ?
Un réalisateur doit savoir s’adapter. Quand j’ai pu innover en matière d’images ou de sons, je l’ai fait. Pour les scènes de préparation au décollage de la fusée, qui étaient sans doute les plus difficiles à tourner pour cause de budget ultra-serré, je fantasmais un décollage de nuit sous la pluie. Et une fois encore, j’ai eu de la chance. Nous étions au mois de janvier, c’était la nuit et une pluie fine a commencé à tomber. J’ai dit : « On tourne ! On y va ! C’est maintenant ! ». Et ça a été merveilleux. Chacun était à son poste, en bottes, à courir dans la boue… Je me souviens des visages de chacun… Il faut savoir prendre des risques.
Un mot sur la musique, très métallique et, qui évoque à la fois l’acier, le milieu interstellaire, la terre, ses remuements… bref tout ce dont vous parlez dans votre film…
Je dis toujours que l’image est le visage d’un film, le son, son corps et la musique, son âme. Le travail du réalisateur est de faire en sorte que ces trois éléments s’alignent et sonnent en harmonie. Pour ce film, j’avais envie de sons synthétiques. Je connaissais le travail de Gabriel Legeleux - dont le nom de scène est Superpoze - mais lorsque j’ai découvert le clip de son titre Signal j’ai tout de suite su que je voulais travailler avec lui. Avec Gabriel, nous avons pensé et réfléchi la musique ensemble, mais après, c’est lui qui l’a composée. Je suis heureux car je trouve qu’elle transcende le film. Elle transcende chaque étape que traverse Jim et son équipe. Gabriel et moi avons eu le même genre de rapport que celui que j’ai eu avec Loïc Lallemand, le monteur du film, ou avec Stéphane Cabel, le co-scénariste. J’ai les idées, les images, les sons, et ensuite, nous les travaillons ensemble.
Comédie dramatique de Nicolas Giraud. 1 nomination au Festival du Film Francophone d'Angoulême 2022 (édition 15). 3,5 étoiles sur AlloCiné.