Au pénal, les tribunaux, constatant un défaut d’élément intentionnel, relaxent un employeur mis en cause pour harcèlement moral. La juridiction prud’homale par contre le condamne pour management inapproprié.
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1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 20 novembre 2020) et les productions, M. [T] a été engagé le 26 mai 2015 en qualité d'ambulancier par la société [H] (la société).
2. Les 13 juillet 2016, 9 septembre 2016 et 30 septembre 2016, l'employeur lui a notifié trois sanctions disciplinaires pour refus de procéder au nettoyage et à la désinfection des véhicules ambulanciers de l'entreprise durant les périodes d'inaction que comportaient ses permanences.
3. Licencié pour faute grave le 8 décembre 2016, il a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de cette mesure et de diverses demandes.
4. Par jugement du 2 mai 2019, la juridiction correctionnelle a relaxé M. [H] et Mme [S], dirigeants de la société [H], des poursuites engagées à leur encontre pour harcèlement moral au préjudice de M. [T] et d'une autre salariée, en retenant que « les différents éléments évoqués ne sont pas suffisants pour constituer des faits de harcèlement. Une partie des comportements et propos décrits ne sont pas avérés, d'autant plus que la majorité des salariés n'ont pas été entendus. D'autre part, certains comportements de l'employeur apparaissent compréhensibles au regard du contexte, et en tout état de cause relever davantage d'une mauvaise gestion du personnel ou d'un contentieux prud'homal que d'un harcèlement pénalement condamnable. »
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11. La société fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 2°/ que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé ; qu'en matière de harcèlement moral, la seule différence de mécanisme probatoire devant les juridictions répressives et prud'homales n'est pas de nature à remettre en cause l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, dès lors que la qualification de harcèlement moral en matière pénale et en matière civile répond à la même définition ; qu'en l'espèce, le juge répressif a, par jugement du 2 mai 2019 devenu irrévocable, relaxé les époux [H] des fins de poursuites de harcèlement moral au préjudice de M. [T] et Mme [F] ; qu'en jugeant en l'espèce que l'autorité absolue de la chose jugée au pénal ne saurait faire obstacle à l'examen par la cour de la demande de M. [T] au titre du harcèlement moral, aux motifs erronés que le mécanisme probatoire relatif à l'infraction de harcèlement moral devant le juge pénal est plus strict que celui applicable au salarié devant les juridictions sociales et qu'une décision de relaxe de l'employeur de l'infraction de harcèlement moral n'emporte pas nécessairement absence de qualification d'un tel harcèlement moral sur le plan civil, la cour d'appel a violé le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur l'action portée devant la juridiction civile et les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que ''le mécanisme probatoire relatif à l'infraction de harcèlement moral devant le juge pénal est plus strict que celui applicable au salarié devant les juridictions sociales, de telle sorte qu'une décision de relaxe de l'employeur de l'infraction de harcèlement moral n'emporte pas nécessairement absence de qualification d'un tel harcèlement sur le plan civil'' et en a déduit que l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil ne faisait pas obstacle, au cas présent, à l'examen par les juges de la demande présentée par M. [T] relativement au harcèlement moral ; qu'en relevant ce moyen d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
12. Il résulte des articles 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 480 du code de procédure civile, que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique n'ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, qu'en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé.
13. La caractérisation de faits de harcèlement moral en droit du travail, tels que définis à l'article L. 1152-1 du code du travail, ne suppose pas l'existence d'un élément intentionnel.
14. La cour d'appel a d'abord relevé que si le tribunal correctionnel avait, par jugement du 2 mai 2019, relaxé les employeurs des faits de harcèlement moral à l'encontre de l'intéressé, cette relaxe prononcée ne la liait pas en l'espèce, dès lors que le tribunal avait notamment jugé ne pouvoir se prononcer sur les obligations du salarié s'agissant de la désinfection et du nettoyage des véhicules de l'entreprise durant ses heures de permanence, en l'absence de production de son contrat de travail, de telle sorte qu'il ne pouvait apprécier l'absence de légitimité des sanctions prises à son encontre, alors qu'un tel élément était susceptible d'influer sur la qualification du harcèlement moral.
15. Ayant ensuite fait ressortir que le jugement du tribunal correctionnel, qui avait retenu que certains comportements de l'employeur apparaissaient relever davantage d'une mauvaise gestion du personnel ou d'un contentieux prud'homal que d'un harcèlement pénalement condamnable, était fondé également sur le défaut d'élément intentionnel, c'est à bon droit qu'elle en a déduit, sans violer le principe de la contradiction, que la décision du juge pénal ne la privait pas de la possibilité de retenir des faits de harcèlement moral caractérisés par des méthodes de management inappropriées de la part de l'employeur.
16. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS,
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [H] et la condamne à payer à M. [T] la somme de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois.
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