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Sage-homme


Après avoir raté le concours d’entrée en médecine, Léopold intègre par défaut l’école des sages-femmes en cachant la vérité à son entourage. Alors qu’il s’engage sans conviction dans ce milieu exclusivement féminin, sa rencontre avec Nathalie, sage-femme d’expérience au caractère passionné, va changer son regard sur cet univers fascinant et bouleverser ses certitudes.

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Entretien avec la réalisatrice, Jennifer Devoldere

Comment est né ce projet ?
Au départ, je cherchais une idée où la problématique classique du genre et de l’ensemble des inégalités d’accès au travail soit renversée. Un homme qui doit faire sa place dans un univers ultra-féminisé, et non l’inverse. La formation de maïeutique s’est ouverte aux hommes en 1982. Ces derniers restent toutefois très minoritaires avec seulement 4,5% des sages-femmes actives. Parmi ces hommes, la plupart travaille à l’hôpital. Aucun n’est enseignant.

Vous êtes-vous beaucoup documentée avant d’écrire le scénario ?
On a eu la chance de pouvoir effectuer un stage à l’hôpital, juste avant le Covid, et pendant longtemps, on a interrogé des soignant.e.s, des hommes et des femmes sages-femmes, l’ensemble du personnel médical, mais aussi des parents. On voulait tout connaître de ce qui se passe dans la maternité d’un hôpital public. C’est à cette occasion qu’on a pris conscience que chaque accouchement a sa propre histoire et son lot d’incidents imprévisibles. On a aussi été frappé par le brassage de populations et par la misère psychologique, sociale, économique qui règne dans les hôpitaux. Tout ce qu’on voit à l’image s’inspire d’anecdotes dont on a été témoins, qu’on a lues ou qu’on nous a relatées.

D’emblée, on est frappé par la véracité qui se dégage du film. 
On a été d’une extrême vigilance et on s’est servi du milieu médical comme référence. D’où le fait que les sages-femmes qui jouent dans le film sont de vraies sages-femmes, et que parmi le personnel médical, il y a toujours au moins deux ou trois personnes qui sont d’authentiques professionnels. En outre, cela créait une bonne ambiance sur le plateau ! Il y a des choses qu’on n’invente pas, même quand on a fait un stage à l’hôpital. Par exemple, on n’aurait pas trouvé naturellement la manière dont l’obstétricienne s’adresse à l’anesthésiste en lui disant, sur un ton sec, qu’« il faut arriver plus tôt déjà».

Léo est porteur des espoirs de toute sa famille et n’assume pas son échec qui est, malgré tout, relatif. 
Pour lui, c’est un énorme échec ! Il porte ce rêve depuis 9 ans. Son monde s’écroule et il n’arrive pas assumer vis à-vis de lui-même ou de son entourage. C’est un garçon qui sort à peine de l’adolescence et qui n’a pas encore la maturité suffisante pour prendre du recul.

C’est très humiliant pour lui qui ne côtoie que des hommes... 
On voulait qu’il soit issu d’un milieu profondément masculin. On s’est demandé ce qui pouvait trancher le plus avec une maternité, où les personnels sont habillés en rose, y compris les hommes. Léo vient d’un milieu populaire, d’une famille de quatre garçons, son père, ancien flic, travaille dans la sécurité, et il n’y a pas de mère. C’est donc un univers aux antipodes du féminin. Chantal Birman, sage-femme m’a dit «C’est la testostérone versus l’oestrogène ! ». C’est aussi le parcours que fait Léo dans le film.

La relation entre Léo et Nathalie, pourtant mal engagée, est très émouvante. 
C’est la rencontre entre un garçon dont la mère est morte jeune et une femme qui n’a pas bien su entretenir sa relation avec ses enfants. Ce sont deux personnes qui réparent quelque chose. Nathalie offre son affection et ses conseils comme un cadeau à Léo, comme elle n’a pas su le faire avec ses propres enfants.

Peu à peu, Léo parvient à affronter son père et à lui parler de l’absence de communication au sein de la famille. 
Et de l’absence de la mère ! Son père est un taiseux qui n’arrive pas à aborder ce sujet, malgré la demande de son fils. C’est une famille d’hommes, où les non-dits s’accumulent et deviennent ensuite une montagne à soulever. C’est présent dans toutes les familles, à des degrés divers, évidemment, mais c’est ici particulièrement prégnant.

Comment avez-vous choisi les deux interprètes principaux ? 
Comme je le disais, on a écrit le rôle de Nathalie pour Karin Viard, et nous avons été très heureux qu’elle accepte car je ne voyais sincèrement pas qui aurait pu la remplacer. Pour le personnage de Léo, on a fait un casting. Avec David Bertrand, le directeur de casting, on a vu plus de 200 garçons et Melvin Boomer, comme souvent dans ces cas-là, est l’un des premiers à l’avoir passé. Au début, je me disais que c’était lui qui avait le mieux joué, mais c’était la première session et je pensais qu’il fallait en voir d’autres avant de me décider. Puis, je l’ai revu, une deuxième et une troisième fois, et on a fait des essais avec Karin. À ce moment-là, je savais déjà que j’allais lui confier le rôle, mais pas lui !

Où avez-vous tourné les scènes de la maternité ? 
C’était impossible d’investir une vraie maternité en état de fonctionnement pendant trois semaines, si bien qu’on a dû la reconstituer. Jean-Marc Tran Tan Ba, le chef- décorateur a recréé tout un espace, avec la salle des sages-femmes, des salles de naissances, le bloc, les couloirs, le hall, la salle d’attente, mais aussi la ruelle extérieure... Le réalisme est aussi lié au fait qu’il ne s’agit pas d’un décor en studio, mais construit dans un lieu réel, pourvu de fenêtres, qui laissaient donc filtrer la lumière naturelle et qui avait des vis-à-vis qui ressemblent à ceux d’un hôpital.

La mise en scène accentue l’énergie du film. 
Avec Jean François, dès le début, on savait qu’on voulait raconter l’histoire de Léo, être au plus près de son ressenti. On a cherché à se servir de la machinerie pour suivre le mouvement de Léopold. D’abord à l’épaule sur Dolly, puis, petit à petit on stabilise quand Léo se stabilise aussi. On savait qu’on voulait coller à Léo du début à la fin : on ne voit quasiment rien de ce qui se passe autour de lui tant on est immergé dans son monde intérieur. Du coup, on a utilisé une très faible profondeur de champ dans les premières scènes, puis on a ouvert le champ à mesure que Léo « respire » mieux et qu’il s’ouvre davantage au monde. On s’est inspiré d’à la rencontre de forrester. On s’est aussi nourri de la série normal people qui nous immerge dans le ressenti de la jeunesse.

Comédie dramatique de Jennifer Devoldere. 1 nomination au Festival International du Film de Comédie de l'Alpe d'Huez 2023 (édition 26). 2,6 étoiles sur AlloCiné.

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