La cour de cassation rappelle que le dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail de nuit ouvre droit automatiquement à réparation du préjudice.
[...]
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 septembre 2021), M. [Z] a été engagé par la société Transports J.H. Mesguen en qualité de conducteur suivant un contrat de travail à durée déterminée du 22 juin au 22 septembre 2015. La relation de travail s'est poursuivie en contrat de travail à durée indéterminée.
2. Le salarié a été licencié le 28 décembre 2017 et dispensé d'exécuter son préavis.
3. Le 25 septembre 2018, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité pour non-respect des durées maximales quotidiennes, hebdomadaires et mensuelles de travail, alors « que le seul constat de dépassement de la durée maximale du travail ouvre droit à réparation; qu'en le déboutant de sa demande en paiement d'une indemnité pour non-respect des durées maximales, quotidiennes, hebdomadaires et mensuelles de travail au motif qu'il ne justifiait pas ''d'un préjudice distinct de celui réparé au titre du repos compensateur'', cependant que le non-respect des durées maximales de travail ouvre à lui seul droit à réparation au profit du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-18, L. 3121-20 et L. 3121-27 du code du travail. »
Vu l'article L. 3122-35 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les articles L. 3122-7 et L. 3122-18 du même code, dans leur rédaction issue de ladite loi, l'article 2.2 de l'accord du 14 novembre 2001 relatif au travail de nuit, attaché à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 et l'article 1315, devenu 1353, du code civil :
6. Selon les trois premiers de ces textes, la durée hebdomadaire de travail des travailleurs de nuit, calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives, ne peut dépasser quarante heures mais cette limite peut être portée à quarante-quatre heures par accord collectif lorsque les caractéristiques propres à l'activité d'un secteur le justifient.
7. Selon le quatrième de ces textes, s'agissant des personnels roulants, autres que les personnels roulants grands routiers ou longue distance, des entreprises de transport routier de marchandises, des activités auxiliaires du transport et des entreprises de transport de déménagement dont l'activité s'exerce sur tout ou partie de la période nocturne, telle que définie à l'article 1er de l'accord du 14 novembre 2001, la durée du travail effectif hebdomadaire calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ne peut excéder 46 heures en application des règles prévues au paragraphe 3, alinéa 1, de l'article 5 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 modifié.
8. Ces dispositions participent de l'objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d'un repos suffisant et le respect effectif des limitations de durées maximales de travail concrétisé par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail et par la directive 2002/15/CE du Parlement et du Conseil du 11 mars 2002 relative à l'aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier.
9. Selon le dernier de ces textes, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Il en résulte que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.
10. Pour rejeter la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail, l'arrêt, après avoir relevé que ce dernier soutenait avoir régulièrement dépassé la durée maximale hebdomadaire de 46 heures, retient, d'une part, qu'il ressort de la synthèse conducteur que l'amplitude horaire avancée par l'intéressé dans ses écritures ne correspond pas au travail effectif et que ce dernier disposait de temps de repos et de mise à disposition, d'autre part, qu'il ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui réparé au titre du repos compensateur.
11. En statuant ainsi, alors que le dépassement de la durée maximale de travail ouvre, à lui seul, droit à la réparation, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'employeur justifiait avoir respecté la durée hebdomadaire maximale de travail du travailleur de nuit calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives, a violé les textes susvisés.
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [Z] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail et limite à la somme de 4 286,94 euros, outre 428,69 euros de congés payés afférents, le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt rendu le 30 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Transports J.H. Mesguen aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Transports J.H. Mesguen à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille vingt-trois.
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