C’est la rentrée. Une nouvelle année scolaire au collège qui voit se retrouver Pierre, Meriem, Fouad, Sophie, Sandrine, Alix et Sofiane, un groupe d’enseignants engagés et soudés. Ils sont rejoints par Benjamin, jeune professeur remplaçant sans expérience et rapidement confronté aux affres du métier. A leur contact, il va découvrir combien la passion de l’enseignement demeure vivante au sein d’une institution pourtant fragilisée.
Vincent Lacoste : Les profs sont un des socles de notre société. Et pourtant, ils s’en prennent toujours un peu plein la gueule. On entend dire qu’ils sont « toujours en vacances » alors que c’est un métier qui peut être ingrat, solitaire. Il faut faire face à trente, quarante élèves, et être intéressant, se renouveler, devant des jeunes qui ont parfois juste envie d’être ailleurs…
Thomas Lilti : C’est pour ça que c’est un métier sérieux. Parce que c’est un métier d’engagement, d’utilité publique, où les rapports humains sont au cœur de tout. C’est aussi un métier qui donne du sens à l’existence. Et puis, on a tous un prof qui nous a marqué et a fait que les choses ont été un peu différentes…
Qu’est-ce que le travail sur ce film vous a tous les deux appris sur le métier d’enseignant ?
Thomas Lilti : Ce qui m’intéressait, c’était de raconter le quotidien, de montrer des professeurs qui ne font pas toujours bien les choses, mais qui essaient de bien les faire avec les moyens qu’on leur donne.
Vincent Lacoste : Personnellement, je n’avais pas conscience du côté extrêmement théâtral du métier. On est seul, face à une classe, et qu’est-ce qu’on en fait ? Comment on fait pour être intéressant ? Pour être ludique et pédagogique en même temps ? C’est comme un spectacle en fait, et c’est vachement dur ! Dans le film par exemple, il y a une scène où je devais donner un cours sur les sphères avec une orange, mais la scène n’était pas écrite. Et Thomas m’a dit : « Vas-y, improvise un cours de math ». Sauf que déjà, va expliquer ce qu’est une sphère (rires). Et une fois que t’as compris, va synthétiser l’idée, va la transmettre en étant simple, clair et un brin fantaisiste pour capter et garder l’attention des élèves ! C’est épuisant en fait.
Comment avez-vous travaillé en amont pour préparer ce film ? Vous avez rencontré des profs, discuté avec des syndicats?
Thomas Lilti : J’ai commencé par tout un travail solitaire, en puisant dans mes souvenirs d’élèves ainsi que ceux de mes proches. J’ai également lu énormément de témoignages, regardé des reportages télé… Exclusivement des travaux journalistiques, pour coller au plus près du réel. J’ai emmagasiné énormément d’informations et de sensations. Ensuite, j’ai traîné dans des collèges pour rencontrer des CPE, les gens de l’entretien, de la cantine, les surveillants… C’est hyper instructif de parler avec tout ces gens-là.
Avant le film, à quel imaginaire vous renvoyait le métier de prof ?
Vincent Lacoste : Un prof pour moi, ça me rappelle mes années collège et lycée, c’est vraiment des souvenirs lointains puisque je n’ai pas fait d’études supérieures. Et c’est vrai que je n’ai jamais trop aimé l’école, surtout arrivé au lycée où je savais déjà que je voulais être comédien. Donc j’avais juste envie de me barrer. J’étais respectueux avec les profs hein, attention… Mais je m’en désintéressais complètement… D’ailleurs aujourd’hui je le regrette un peu parce que j’aurais moins de lacunes ! (Il rit)
Thomas Lilti : Moi le souvenir que j’aie, c’est un peu celui du mystère. Le prof, il arrive dans votre classe et ensuite il disparaît. Qui est cet homme ou cette femme ? (rires) Il est dans notre quotidien, il fait autorité sur nous, on peut avoir de l’affection pour lui, mais au fond on ne le connaît pas. C’est pour ça que quand on croise son prof au supermarché, enfant, on a l’impression de croiser Mick Jagger ! On est surpris qu’il existe dans la vraie vie ! C’est ça le premier rapport que j’avais avec mes profs : je me demandais toujours ce que pouvait bien être leur vie.
En cette rentrée scolaire, les deux revendications principales des professeurs sont la hausse des salaires et les problèmes d’effectifs, qui sont liés. Pourtant, ce ne sont pas les deux difficultés qui ressortent le plus de votre film, pourquoi ?
Thomas Lilti : Je n’ai pas eu envie de faire un film militant. Un film politique oui, mais pas militant. Avec ce film j’avais plutôt envie de dire : arrêtons de dire aux profs ce qu’ils doivent faire - le gouvernement, les parents… -, parce qu’ils le savent très bien ! Ma manière à moi de parler des salaires, ce sont mes personnages : on voit bien que ce sont des gens de la petite classe moyenne pour qui un sou est un sou.
Vincent, outre la principale difficulté qu’est d’apprendre à être pédagogue, votre personnage rencontre aussi la violence, avec un élève qui l’attend en bas de chez lui pour le menacer… Ça vous a surpris ?
Vincent Lacoste : Pas vraiment parce que j’étais dans un collège où il y avait pas mal de violences… Pour les professeurs, ce genre de situation est extrêmement dure à gérer parce que ça demande un calme, un tact, un sang-froid énorme… Et d’ailleurs, Benjamin est face à cette violence-là et en même temps il s’en veut d’avoir humilié le jeune homme devant la classe. Il comprend la violence de l’échec que vit cet élève-là, il a peur de son exclusion… Le problème c’est qu’après un tel acte, est-ce qu’il faut encore lui redonner une chance ? Ce sont de vraies questions que les profs se posent.
On ressort du film avec un vrai élan positif… Est-ce que c’est pour vous une réalité retranscrite, un espoir que vous formulez, ou finalement une image un peu trop naïve de la réalité ?
Thomas Lilti : J’ai conscience que je fais un cinéma de divertissement. J’ai envie qu’on passe un bon moment, et j’ai besoin d’aimer mes personnages pour les raconter. Et au fond ce que j’aimerais vraiment - même si c’est très prétentieux de ma part - ce serait de croiser ne serait-ce qu’une personne dans quelques années qui me dise : « J’ai vu votre film et c’est ça qui m’a donné envie d’être prof ».
Comédie dramatique de Thomas Lilti. Propos reccueilli par Matthieu Amar. 3,8 étoiles Allociné.