La pandémie de Covid-19 a bouleversé l’organisation des systèmes de santé et exacerbé des problématiques auxquelles étaient déjà confrontés de nombreux pays dont la France, comme les inégalités d’accès aux soins ou encore des tensions hospitalières et des pénuries de professionnels de santé.
Afin de relever ces défis, il est essentiel, au-delà des systèmes de surveillance habituels, de réaliser un diagnostic plus précis de l’état de santé des Français avant la crise de la Covid-19, notamment pour tenter d’analyser son impact spécifique sur différents indicateurs de santé.
C’est ce que propose une nouvelle étude menée par des équipes de l’Inserm, de l’université de Bordeaux et du CHU de Bordeaux, en collaboration avec Santé publique France et la Cnam. Ce travail évalue en effet plusieurs indicateurs de santé en France en 2019 avant la pandémie, ainsi que leur évolution de 1990 à 2019, et propose aussi une comparaison de la situation française à celle d’autres pays d’Europe de l’Ouest sur cette même période.
La « Global Burden of Disease study », coordonnée par l’Institute for Health Metrics and Evaluation, est conduite depuis 1990 par un réseau mondial de 5 647 collaborateurs dans 152 pays et territoires. L’étude de 2019 analyse 286 causes de décès, 369 maladies et traumatismes et 87 facteurs de risque dans 204 pays et territoires. La GBD a été utilisée pour informer les politiques de santé dans de nombreuses nations et juridictions locales, ainsi que par des organisations internationales, dont la Banque mondiale et l’Organisation mondiale de la santé.
Mais jamais cette richesse de données n’avait été exploitée et présentée spécifiquement pour la France, pour décrire l’évolution de l’état de santé en France à travers un ensemble d’indicateurs reflétant notamment le statut sociodémographique des personnes, l’espérance de vie, l’espérance de vie en bonne santé ou encore les années vécues avec une incapacité.
Les résultats de l’analyse confirment que sur la période considérée (1990 à 2019), l’espérance de vie à la naissance en France s’est améliorée au fil du temps, passant de 77,2 ans en 1990 à 82,9 ans en 2019, ce qui classe la France à la septième position pour l’espérance de vie la plus élevée, parmi les 23 pays d’Europe de l’ouest étudiés dans ce travail. Par ailleurs, les français vivent en moyenne plus longtemps en bonne santé, avec une espérance de vie en bonne santé qui a aussi progressé passant de 67 à 71,5 ans, plaçant cette fois-ci la France en quatrième position du classement.
L’accroissement de la longévité de vie en bonne santé permet de faire des hypothèses sur des progrès qui ont pu être réalisés à plusieurs niveaux, comme par exemple une meilleure prise en charge des maladies ou une prévention plus adaptée, permettant de limiter la survenue des maladies. Cette étude permet ainsi d’estimer le poids des maladies selon leur impact sur les différents indicateurs de la GBD.
En comparaison avec les autres pays européens, les maladies cardiovasculaires sont moins impliquées dans la morbidité et la mortalité en France.
« Nous avons observé une charge de morbidité moins importante due aux accidents vasculaires cérébraux et aux cardiopathies ischémiques en France que dans d’autres pays d’Europe occidentale. Ce résultat observé précédemment pourrait s’expliquer par une prévalence plus faible de nombreux facteurs de risque cardiovasculaires (hypertension, diabète) et d’un mode de vie plus sain (exercice, alimentation) en France. Il faut continuer à poursuivre les efforts pour prévenir et traiter ces pathologies dont la prévalence demeure néanmoins importante », expliquent les auteurs.
Il est aussi important de mieux prendre en charge les troubles de santé mentale (parmi eux les troubles dépressifs et anxieux en particulier) et les troubles musculo-squelettiques (les douleurs lombaires en particulier) représentent le principal motif d’années vécues avec une incapacité.
L’étude souligne aussi que des progrès sont à faire vis-à-vis de la prévention des cancers, notamment en poursuivant les efforts pour lutter contre le tabagisme. En effet, les cancers constituent toujours la première cause de mortalité en France, comme dans les autres pays européens.
« Dans l’ensemble, ces résultats mettent en évidence une nette tendance à l’amélioration de l’état de santé en France. Ils doivent inciter les décideurs à concevoir des stratégies d’intervention pour réduire la charge de morbidité et de mortalité, en accordant une attention particulière aux causes telles que les cancers, les maladies cardiovasculaires, la santé mentale et les troubles musculo-squelettiques », soulignent les auteurs.
Cette étude constitue donc une ressource précieuse, complémentaire de la surveillance épidémiologique régulière mise en œuvre notamment par Santé publique France, pour orienter les politiques publiques et mettre en place des mesures pertinentes afin d’améliorer la prévention et l’accès au soin. Elle représente également une première étape importante pour mieux appréhender l’impact qu’a eu la pandémie de Covid-19 sur la santé des Français. La même étude devra maintenant être menée avec les données collectées à l’issue de la crise sanitaire sur ces mêmes indicateurs clés, afin de mettre en évidence des éventuelles évolutions de l’état de santé de la population.
Source et photo : inserm.