Un salarié conteste la validité d'une rupture conventionnelle modifiée par l'employeur après un premier refus d'homologation par la Direccte, sans qu'un nouveau délai de rétractation lui ait été accordé. La Cour d'appel a rejeté sa demande en estimant que son consentement initial n'avait pas été remis en cause. Mais la Cour de cassation n'est pas de cet avis.
1. Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 15 mars 2023), M. [K] a été engagé le 14 mars 2007 par la société ATS-BE en qualité de projeteur, chef de projet en électrotechnique.
2. L’employeur et le salarié ont signé une convention de rupture le 24 novembre 2015 que l’administration a refusé d’homologuer le 29 décembre 2015.
3. La convention rectifiée par l’employeur a été soumise par celui-ci à l’administration qui l’a homologuée le 8 janvier 2016.
4. Le 16 février 2016, le salarié a saisi la juridiction prud’homale afin de voir déclarer nulle la convention de rupture.
5. Par jugement du 9 avril 2020, l’employeur a été placé en liquidation judiciaire et la société Alliance MJ a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire. La société [W] [R] a été ensuite désignée en cette qualité par jugement du 3 août 2021.
6. Le salarié fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande aux fins de nullité de la rupture conventionnelle et ses demandes consécutives, alors « qu’en cas de refus d’homologation par l’autorité administrative d’une première convention de rupture, le contrat de travail qui n’a pas été rompu se poursuit, de sorte qu’il appartient aux parties, si elles le souhaitent encore, de procéder à une seconde rupture conventionnelle en prévoyant un nouveau délai de rétractation de 15 jours ; qu’à défaut d’instituer au bénéfice des deux parties un nouveau délai de rétractation, la seconde convention de rupture est nulle ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé, d’une part, que, ''par lettre du 29 décembre 2015, la Direccte a informé M. [P] [K] et la société que la demande d’homologation de la rupture conventionnelle était refusée'', d’autre part, que ''l’employeur a retourné le formulaire initial à l’administration après avoir modifié le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle pour le rendre conforme au calcul effectué par l’administration (10 269 euros au lieu de 10 208,33 euros) et la date envisagée de la rupture du contrat de travail (5 janvier 2016 au lieu du 4 janvier 2016)'' et, enfin, que ''la Direccte a homologué le document ainsi rectifié'' ; que, pour rejeter la demande de M. [K] aux fins de nullité de la rupture conventionnelle et ses demandes consécutives, la cour d’appel a retenu que ''ni la stipulation par les parties à la rupture conventionnelle d’une indemnité spécifique de rupture d’un montant inférieur à celui prévu par l’article L. 1237-13 du code du travail, ni la fixation de date de rupture du contrat de travail antérieure au lendemain de l’homologation de la convention par l’autorité administrative n’entraînent en elles-mêmes la nullité de la convention de rupture'' et que ''le fait que l’employeur, sans en informer le salarié, ce qu’il reconnaît, ait retourné à l’administration le document de rupture conventionnelle modifié comme il est dit ci-dessus, ne permet pas de caractériser une atteinte à la liberté du consentement du salarié à la rupture d’un commun accord, donné le 24 novembre 2015 et non rétracté dans le délai de quinze jours'' ; qu’elle en a déduit que ''le salarié ne démontre pas que cette modification était de nature à remettre en cause la liberté de son consentement à la rupture conventionnelle'', si bien que ''la nullité de la rupture conventionnelle n’est pas encourue'' ; qu’en statuant ainsi, cependant qu’il résultait de ses propres constatations que l’employeur n’avait informé M. [K] ni de la modification du formulaire de rupture conventionnelle à la suite du refus d’homologation opposée par la Direccte ni de sa transmission à l’autorité administrative compétente, ce dont il résultait que le salarié – qui n’avait pas consenti à ce second protocole de rupture conventionnelle – n’avait pas bénéficié d’un nouveau délai de rétractation de 15 jours, de sorte que cette seconde rupture conventionnelle – peu important qu’elle ait été conçue dans l’intérêt du salarié – était entachée de nullité, la cour d’appel a violé les articles L. 1237-13 et L. 1237-14 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1237-13 et L. 1237-14 du code du travail :
7. Aux termes du premier de ces textes, à compter de la date de la signature de la convention de rupture par les deux parties, chacune d’elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation.
8. Selon le second, à l’issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture. L’autorité administrative dispose d’un délai d’instruction de quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour s’assurer du respect des conditions prévues à la présente section et de la liberté de consentement des parties. A défaut de notification dans ce délai, l’homologation est réputée acquise et l’autorité administrative est dessaisie. La validité de la convention est subordonnée à son homologation.
9. Il en résulte qu’une partie à une convention de rupture ne peut valablement demander l’homologation de cette convention à l’autorité administrative avant l’expiration du délai de rétractation de quinze jours prévu par le premier de ces textes.
10. Pour rejeter la demande du salarié aux fins de nullité de la rupture conventionnelle, l’arrêt retient, après avoir constaté que la convention de rupture reçue par l’administration avait fait l’objet d’une décision de refus d’homologation en date du 29 décembre 2015 et que l’employeur avait retourné le formulaire à l’administration qui l’avait homologué le 8 janvier 2016, que le fait que l’employeur, sans en informer le salarié, ait retourné à l’administration le document de rupture conventionnelle modifié ne permettait pas de caractériser une atteinte à la liberté du consentement du salarié à la rupture d’un commun accord donné le 24 novembre 2015 et non rétracté dans le délai de quinze jours.
11. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations qu’après le refus d’homologation, l’employeur avait modifié le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle et la date envisagée de la rupture et avait retourné le formulaire à l’autorité administrative pour homologation sans informer le salarié et sans lui faire bénéficier d’un nouveau délai de rétractation, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de M. [K] aux fins de nullité de la rupture conventionnelle et les demandes consécutives et en ce qu’il statue sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 15 mars 2023, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ;
Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble ;
Condamne la société ATS-BE, représentée par la société [W] [R], liquidateur judiciaire, aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société ATS-BE, représentée par la société [W] [R], liquidateur judiciaire, à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros.
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