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Remise de programme politique en dehors du travail jugée licite


Dans une affaire récente, la Cour de cassation a jugé qu'il n'était pas fautif pour un salarié de remettre le programme de son parti politique à un collègue à la sortie d'un salon professionnel auquel ils participaient tous les deux. Cette action ne constitue pas un manquement aux obligations contractuelles du salarié car elle relève de sa vie personnelle.

 

Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre social du 29 mai 2024.

Pourvoi n°: 22-14.779.


Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 23 février 2022), M. [D] a été engagé en qualité de responsable de secteur, le 15 juillet 2013, par la société Metro Cash and Carry France, devenue Métro France (la société).

2. Licencié pour faute grave par lettre du 21 juin 2016, il a saisi la juridiction prud’homale d’une contestation de la rupture de son contrat de travail.

Examen du moyen : Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, sixième et septième branches

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Enoncé du moyen : Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

4. La société fait grief à l’arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer diverses sommes à titre d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de lui ordonner de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de 6 mois d’indemnités, alors :

« 3°/ que les juges sont tenus d’examiner l’ensemble des griefs figurant dans la lettre de licenciement ; qu’en l’espèce, la lettre de licenciement reprochait au salarié de ne pas avoir transmis les choix des salariés sur le paiement ou la récupération de leurs heures supplémentaires ; que l’exposante avait versé aux débats l’attestation d’une représentante du personnel précisant que le salarié s’était engagé à respecter ce choix, et qu’il ne l’avait pas fait ; qu’en s’abstenant d’examiner ce grief, la cour d’appel a violé l’article L. 1232-6 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

4°/ que commet une faute grave et, à tout moins, une faute justifiant la rupture de son contrat de travail, le salarié, investi de responsabilités d’encadrement, adoptant un comportement menaçant et humiliant à l’égard de l’un de ses subordonnés, a fortiori en présence de plusieurs collègues de ce dernier ; qu’en l’espèce, la lettre de licenciement formulait le grief suivant : « le 23 avril dernier, à la fin d’une réunion avec huit collaborateurs de l’équipe ayant pour objet de faire le point hebdomadaire et de fixer les objectifs de la semaine suivante, vous vous êtes adressé à un conseiller commercial CHR en lui formulant devant l’assemblée, des reproches non justifiés de manière très véhémente et l’avez menacé de ''monter un dossier'' contre lui ; ce dernier a été particulièrement choqué par votre comportement vexatoire et humiliant » ; que l’exposante avait versé au débat le courrier que ce salarié, victime du comportement de l’intéressé, lui avait adressé à l’issue de cette réunion et relatant ces faits ; qu’elle avait également versé aux débats l’attestation d’une salariée, représentante du personnel, présente lors de cette réunion, relatant les mêmes agissements de la part du salarié ; que, pour écarter ce grief, la cour d’appel a retenu que ''si [le salarié] a fait des reproches à l’un des salariés, M. [J], lors d’une réunion improvisée le 23 avril 2016, en raison de son manque d’implication dans l’entreprise, il n’est pas démontré que cette critique était inappropriée'' ; qu’en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés du caractère ou non justifié des critiques faites à M. [J], quand la lettre de licenciement reprochait au salarié son comportement humiliant et menaçant, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1232-6 du code du travail, ces deux derniers textes dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, ainsi que des articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017. »

Réponse de la Cour

5. Le moyen, sous couvert de griefs de manque de base légale et de violation de la loi, ne tend qu’à remettre en cause devant la Cour de cassation l’appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve, soumis à l’examen des juges du fond qui ont, d’abord, constaté, par des motifs qui ne sont pas critiqués, que les faits invoqués dans la troisième branche étaient prescrits et, ensuite, estimé que le grief imputé au salarié de reproches infondés faits à l’égard d’un subordonné de manière humiliante et menaçante n’était pas établi.

6. Le moyen n’est donc pas fondé.

Enoncé du moyen : Sur le moyen, pris en sa cinquième branche

La société fait le même grief à l’arrêt, alors « qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié peut fonder son licenciement lorsqu’il se rattache à sa vie professionnelle ; qu’est fautif le salarié ayant des agissements de prosélytisme politique vis-à-vis de subordonnés, dans un cadre non dépourvu de tout lien avec la vie de l’entreprise ; que, pour écarter le grief reprochant au salarié d’avoir fait du prosélytisme politique auprès de collaborateurs durant le travail, la cour d’appel a retenu que si Mme [P], chargée de clientèle, s’était vue remettre, après un événement professionnel à [Localité 4] (remise de trophée), le programme politique du parti du salarié, ''il n’est pas établi que cette remise, faite en dehors du lieu de travail, à [Localité 4] et, à l’occasion d’un café, ait eu lieu durant le temps de travail et s’inscrive dans un cadre strictement professionnel'' et que si M. [V], commercial, s’était également vu remettre par le salarié ce même programme, ''dans son attestation (M. [V]) ne prétend pas que les documents lui auraient été remis dans l’enceinte de l’entreprise'' ; que la cour d’appel a ajouté, ''or, dans un cadre privé, et en dehors de l’enceinte de l’entreprise, un salarié est libre d’exercer ses convictions religieuses, philosophiques, ou politiques'' ; qu’en statuant ainsi, quand il résultait de ses constatations que le salarié avait remis son programme politique à deux de ses subordonnés, pour l’un d’entre eux à l’issue d’une remise de trophées de l’entreprise à laquelle participaient, dans un cadre professionnel, l’intéressé comme la salariée à laquelle il avait remis son programme, en sorte que les faits reprochés n’étaient pas dépourvus de lien avec la vie de l’entreprise, la cour d’appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, ainsi que les articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du même code dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017. »

Réponse de la Cour

7. Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.

8. La cour d’appel a constaté, d’une part, que M. [V], commercial, ne prétendait pas que les documents lui auraient été remis dans l’enceinte de l’entreprise et, d’autre part, que la remise du programme politique à Mme [P] était intervenue à l’issue d’une remise de trophées de l’entreprise à laquelle tous deux participaient, en dehors du temps et du lieu de travail.

9. Elle en a exactement déduit que ces faits, tirés de la vie privée du salarié, libre d’exercer ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques, ne pouvant constituer un manquement aux obligations découlant du contrat de travail, le licenciement prononcé pour motif disciplinaire n’était pas justifié.

10. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Métro France aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Métro France et la condamne à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille vingt-quatre.

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