Sur l'île de Kalamaki en Grèce, Yannis, un jeune enfant autiste, rythme ses journées en mesurant l'ordre du monde : les bateaux qui accostent, les prises des pêcheurs, le va-et-vient des clients du café. L'arrivée inattendue de son grand-père, Alexandre Varda, homme d'affaires de renom qu'il n'a jamais rencontré, va perturber l'équilibre fragile de son quotidien. Malgré leurs différences apparentes, une relation profonde et bouleversante se tisse entre ce grand-père distant et ce petit-fils aux talents singuliers.
La résilience est un des thèmes importants du film. Elle l’est pour le personnage d’Alexandre Vargas qu’interprète Bernard Campan, mais elle l’est pour moi aussi. Un jour à l’école communale, un petit garçon m’a traité de “sale métèque”. J’ignorais complètement la signification du mot. Puis j’ai oublié cet incident. À aucun moment, par exemple, je ne me suis étonné de ma nomination à la Direction Générale de TF1, ou à celle de France Télévisions. Aujourd’hui, je réalise à quel point les gens qui m’avaient engagé étaient audacieux.
J’ai en effet essayé d’imbriquer de la manière la plus souple possible tous ces thèmes que sont la recherche des racines, la filiation, la non-communication, l’art, et cette Grèce tellement blessée.
Raphaël a un petit frère handicapé, ce qui, en allant puiser dans sa propre expérience, lui a certainement permis d’être si juste. Ensuite, nous avons testé ensemble différentes manières de le jouer : je voulais qu’il s’exprime le moins possible au début du film juste par de petits bouts de phrases et qu’il ne se mette vraiment à parler que dans la deuxième et surtout dans la troisième partie.
Yanis a la grâce, et ce côté sans filtre qu’ont les personnes atteintes de cette pathologie : il est capable d’analyser les choses de façon très brillante en quelques mots. Mais son intelligence s’exerce seulement dans des domaines très précis. Lors de l’écriture, puis au moment du montage, j’ai sollicité des spécialistes de l’autisme pour voir si son comportement correspondait bien aux troubles qu’ils soignaient. Tous m’ont donné leur bénédiction. Il n’était pas question pour moi de faire Rain Man, même si j’aime beaucoup le film. Alexandre et Yanis finissent par se soigner mutuellement. Il y a un échange entre eux qui les mène vers la sociabilité. Yanis trouve un père de substitution et Alexandre renoue grâce à lui avec tout ce dont il s’était coupé ses racines, sa famille, son être profond. Cet aspect m’importait beaucoup.
Peu de films sont réalisés en Grèce, et la crise du cinéma est telle que lorsque les films de jeunes réalisateurs grecs ont du succès, ils partent aussitôt travailler aux États-Unis ou en Grande-Bretagne. Par conséquent, les comédiens grecs travaillent surtout au théâtre, qui occupe une place très importante dans le pays. Le choix était donc large. J’avais un directeur de casting qui comprenait exactement ce que je voulais.
C’était un choix. Je ne voulais pas de cette image d’Épinal que tout le monde connaît : la mer bleue, le ciel écrasant, le petit âne qui monte le long des marches… Je voulais la vraie Grèce, celle où il n’y a pas de touristes, celle qui souffre. Spetsès est une île plus fréquentée par les Athéniens que par les touristes.
Drame de Takis Candilis. Propos recueilli par Florence Narozny et Mathis Elion. 3,3 étoiles AlloCiné. Champs-Elysées, Film Festival, sélection officielle 2024.