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Le comte de Monte-Cristo


Victime d’un complot, le jeune Edmond Dantès est arrêté le jour de son mariage pour un crime qu’il n’a pas commis. Après quatorze ans de détention au château d’If, il parvient à s’évader. Devenu immensément riche, il revient sous l’identité du comte de Monte-Cristo pour se venger des trois hommes qui l’ont trahi.


Entretien avec les réalisateurs, Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière. 

Quel est votre lien personnel à Alexandre Dumas et à ce chef-d'oeuvre absolu du roman d'aventures qu'est le compte de Monte-Christo ? 

ALP : J’ai une immense passion pour Dumas depuis mon enfance, mais Le comte de Monte-Cristo occupe pour moi une place à part dans son œuvre. À huit ans, j’ai assisté au tournage, au Portugal, de l’adaptation qu’en faisait mon père pour la télévision, et quand j’ai vu Jacques Weber en Monte-Cristo, les costumes, les hauts-de-forme, je me suis dit : « C’est ce métier que je ferai ! » Monte-Cristo a donc eu quelque chose de fondateur. Dumas a créé un roman qui est de l’ordre de l’opéra, comparable au Don Giovanni de Mozart. Ce que j’aime passionnément, c’est le prodigieux mélange des genres auquel il est parvenu. Car Le comte de Monte-Cristo est à la fois un roman d’aventures, un roman d’amour, une tragédie, un thriller, une comédie humaine et politique, et l’interaction de ces genres dégage un souffle tour à tour romantique, drôle, ironique ou effrayant.

MD : Alexandre Dumas est peu étudié à l’école. La faute sans doute à son statut d’auteur populaire, considéré comme dépourvu de style. Un comble, alors que ses livres sont une porte d’entrée formidable dans la littérature ! À l’inverse, il est un Dieu vivant pour tous les scénaristes. Car Dumas est un auteur cinématographique avant l’heure. Toutes ses qualités littéraires se prêtent au cinéma : c’est un immense créateur de personnages, c’est un auteur qui place son lecteur dans l’action et dans les dialogues, lesquels correspondent à leur durée réelle. Comme scénaristes et réalisateurs, nous pourrions passer notre vie à adapter des œuvres de Dumas.

Edmond Dantès est un homme trahi par la puissance publique et par ses amis, qui décide de remonter la pente par la vengeance avant de trouver la rédemption. Cette dernière dimension sensible dans votre film.

ALP : Le Comte de Monte-Cristo est l’histoire d’un innocent qui a souffert et croit guérir de ses souffrances en se vengeant de ceux qui en sont la cause. Pour s’en dédouaner, il fait passer à ses propres yeux cette vengeance pour de la justice. Or il est en lutte perpétuelle contre lui même et s’enfonce de plus en plus dans la noirceur, au point de devenir un être sans foi ni loi. Il devra traverser ces ténèbres pour faire l’expérience qu’il existe une possibilité de renaissance, de résurrection, à travers l’amour et le pardon. En ce sens, Le comte de Monte-Cristo est une histoire de rédemption universelle et intemporelle, l’affirmation que ce qui fonde notre humanité, c’est cette capacité perpétuelle à se relever, à être libéré, à condition d’accepter de se laisser toucher par la grâce, d’où qu’elle vienne.

MD : Dans sa prison du château d’If, Dantès ressemble, avec ses cheveux longs, sa barbe, sa nudité, à « l’homme de douleurs » de l’art chrétien. Mais après son évasion (à l’âge de 33 ans !), cette dimension christique s’inverse : au contraire du Christ qui pardonne à ses bourreaux, lui veut faire payer les hommes qui l’ont fait souffrir. Il défie ouvertement Dieu pour prendre sa place et exercer en son nom la justice qu’il lui reproche de ne pas avoir assurée. D’où son sentiment de toute-puissance et la perversité de son plan. 

Le roman commence comme une belle histoire. Vous choissisez pour votre part  d'y faire planer une ombre qui semble anticiper les évènments dramatique à venir.

ALP : On a voulu montrer ce paradis originel mais le teinter d’une présence sourde, comme une malédiction qui menace ce sud merveilleux, ce ciel de Technicolor, ces gens qui sont beaux et s’aiment. Il y a dans le montage, la musique et la manière dont les choses sont regardées une épée suspendue sur cet Eden.

MD : La scène du mariage d’Edmond et Mercédès est marquée au coin de la tragédie, un peu comme le mariage de la fille de Don Corleone dans Le Parrain, où il fait très beau à l’extérieur mais très sombre à l’intérieur. Les gens s’amusent, Michael Corleone rentre de l’armée auréolé de toutes ses médailles. Mais derrière, la pieuvre est là. 

De fait, votre film est fondé sur des contrastes visuels qui plongent le spectateur dans la grande tradition du cinéma.

MD : Quand, pendant la préparation, on nous demandait nos références, on s’autorisait à citer Le Guépard ou Le Parrain, notamment pour l’importance de la couleur. Comme Hitchcock qui a tourné son polar La Mort aux trousses dans les paysages éclatants du Midwest, nous avons voulu baigner un film sombre comme Le Comte de Monte-Cristo dans la lumière de l’été, entre le bleu du ciel et celui de la mer, avec l’idée que ce côté étouffant dressait un cadre idéal pour une vengeance. Sans même parler du thème de l’usurpation d’identité, cela nous rapproche aussi de Plein soleil.

ALP : J’ai des souvenirs d’enfant très forts de grands films en Technicolor des années 50 et 60, des Chaussons rouges à Lawrence d’Arabie. Pour Monte-Cristo, il me semblait important de revenir à ces images de cinéma flamboyantes qui m’ont procuré un immense plaisir de spectateur.

Aventure, Historique de Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière. 4,5 étoiles AlloCiné. 1 nomination au Festival de Cannes 2024 (Edition 77). 

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