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Mon parfait inconnu


Ebba, jeune femme solitaire de 18 ans, travaille dans le port d'Oslo. Un soir, elle découvre à terre un homme d'une grande beauté, blessé à la tête. Se rendant compte qu'il est atteint d'amnésie, elle lui fait croire qu'ils sont amants et leur construit un univers bâti sur le mensonge. Mais progressivement, Ebba comprend que les pires tromperies ne viennent peut-être pas d'elle.



Entretien avec la réalisatrice, Johanna Pyykkö.


Quel est le point de départ de Mon Parfait Inconnu ?

Je ne raconte pas d’histoires sur moi, je me vois plutôt comme une observatrice de la société. J’ai beaucoup pensé aux filles les plus manipulatrices et dangereuses que j’ai croisées dans ma vie. Leur mythomanie me fascine. Je me suis demandé quels étaient les rêves, les objectifs et la vulnérabilité d’une jeune femme comme celle-là. On pourrait aussi dire que mon héroïne bâtit le personnage de Julian un peu comme le ferait un scénariste ou un cinéaste, avec un côté « méta », mais je crois que tout le monde raconte des histoires, d’une façon ou d’une autre.

Le fait d’être d’origine suèdo-finlandaise vous offre-t-il un regard singulier sur la société norvégienne ? 

Oui, j’ai un regard extérieur. Et d’une certaine manière, doublement, à cause de mon origine sociale. Pour trouver du travail, mes parents ont déménagé en Suède où il existe une communauté finlandaise constituée en un groupe national minoritaire. J’ai donc grandi en Suède, mais en tant qu’immigrée de deuxième génération, et je vis en Norvège depuis plus de dix ans parce que j’y ai fait une école de cinéma. Je suis restée parce que j’aime travailler dans ce pays où les gens sont bienveillants. Mais la vérité est que je ne me sens tout à fait à ma place nulle part. J’observe avec un certain voyeurisme les identités nordiques.

Parmi les indices visuels forts que vous parsemez dans votre film, il y a ces petites figurines qu’Ebba observe, avant de briser l’une d’entre elles, puis d’en recevoir une autre en cadeau à la fin du film. Que signifient-elles ?

Elles sont directement liées au sujet du film, qui est la possession : le pouvoir de posséder un objet comme celui-là, qui représente un corps, de l’installer dans votre maison. Vous pouvez le déplacer, vous le possédez. Il est le fruit d’une histoire : où l’avez-vous acheté ? Quand avez-vous décidé d’en faire collection ? Il est à l’image du fonctionnement de la société. Nous possédons presque d’autres personnes, en fonction du contexte géographique et socio-économique. Par ailleurs, c’est un objet très représentatif, pour moi, de l’intrigue même. La dernière figurine reçue en cadeau a une signification particulière.

C’est-à-dire ?

Elle incarne les virtualités du récit : elle peut aussi bien figurer Julian que la possibilité d’une nouvelle rencontre avec un homme beau et privilégié. Elle est de couleur blanche mais ce blanc est incrusté de fragments bleus  : s’agit-il d’un corps en décomposition, comme le cadavre d’un noyé ? Ebba est-elle coupable ou innocente ? Je voulais qu’elle ait une figurine à la main et qu’elle soit comme lorsqu’on regarde une œuvre d’art, et que l’on se pose des questions à son sujet. Quelle émotion me donne-t-elle ? Quelle est sa signification ? Que symbolise-t-elle et dans quel contexte ? Et je voulais qu’elle ressente cette confusion. Parce que lorsqu’une relation se termine, on se demande parfois si celle-ci a été réelle.

Que voulez-vous dire des relations amoureuses ?

Il y a beaucoup de relations qui ne sont pas de l’amour véritable. Dans de nombreux contextes, les êtres humains ont l’impression de vivre une histoire d’amour, mais en observant davantage, tout le monde, y compris eux-mêmes, serait d’accord pour dire qu’il ne s’agit pas d’une vraie relation. Et puis il y a aussi de vraies relations amoureuses. Je voulais que la relation du film représente les deux.

Drame de Johanna Pyykkö. Propos recueilli par Rachel Bouillon. 3,1 étoiles AlloCiné.

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