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Marcello Mio


C’est l’histoire d’une femme qui s’appelle Chiara. Elle est actrice, elle est la fille de Marcello Mastroianni et Catherine Deneuve et le temps d’un été, chahutée dans sa propre vie, elle se raconte qu’elle devrait plutôt vivre la vie de son père.


Entretien avec le réalisateur, Christophe Honoré.

Marcello Mio est de ce point de vue, non seulement un hommage à Marcello Mastroianni mais aux actrices et aux acteurs en général ?

L’idée de départ c’était de raconter le quotidien des acteurs quand ils ne sont pas en train de travailler sur un tournage. Ce temps « mort » occupe quand même 95% de leur vie. Mais un acteur ne cesse pas de l’être quand il ne tourne pas. C’est un rapport au monde si particulier. Se laisser filmer n’est pas sans conséquence pour eux une fois que la caméra ne les regarde plus. Je voulais faire le portrait de l’actrice que je préfère en France, Chiara Mastroianni, dans ses moments ordinaires de relative passivité où elle ne tourne pas, son quotidien dans un rythme familier. Chiara est de surcroit une actrice singulière car personne ne peut s’empêcher de projeter que sa vie et sa vie de cinéma se confondent. Parce que ses parents, c’est assez connu, sont deux gloires du cinéma mondial.

C’est donc une affaire de famille ?

Oui mais prise dans une histoire très particulière puisqu’ici le trésor familial et sa mémoire sont une sorte de bien commun, un trésor public pour beaucoup construit et imaginé par tous les films qu’on a vu avec Catherine Deneuve, Marcello Mastroianni et Chiara. Mais Marcello Mio n’est pas un biopic avec tous les dangers afférents de l’indiscrétion ou de l’obscénité. J’ai reconstruit cette histoire familiale du point de vue du romanesque, par échos et analogies, en rendant flou la frontière entre le romanesque et le réel. 

Dès les premiers plans du film, les personnes pour la plupart archi-connues deviennent des personnages ?

Tout simplement, si j’ose dire, par la puissance de la mise en fiction et des imaginaires qu’elle allume. Et ce dès une des premières scènes où je me suis amusé à pasticher un des plans le plus fameux de l’histoire mondiale du cinéma : Anita Ekeberg se baignant dans la fontaine de Trevi à Rome dans la Dolce Vita. J’ai voulu délaver l’icône, égratigner avec tendresse le monument, le tagger avec un humour bienveillant, y dessiner mon graffiti d’amoureux.

Donc Chiara Mastroianni joue Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve joue Catherine Deneuve, et ainsi de suite de Melvil Poupaud à Benjamin Biolay ?

Oui mais justement ils jouent ! C’est-à-dire qu’ils réussissent ce tour de force à mes yeux prodigieux, d’être là tout en étant ailleurs, dans ces moments consubstantiels à leur métier où ils s’absentent de tout, les amours, les amis, pour rejoindre ce monde du cinéma littéralement magique et parallèle où le faux devient vrai, et où le vrai porte à faux.

Ce qui rejoint l’argument principal du film…

C’est en effet l’histoire de quelqu’un qui rêve d’être quelqu’un d’autre. Il se trouve que c’est le rêve de Chiara qui rêve d’être Marcello qui par ailleurs est son père de rêve. Longtemps elle fut réduite à sa filiation, avec toute la violence et parfois la malveillance que cela implique. Fille de, fils de… C’est une réduction un peu mortifiante qu’on a tous plus ou moins vécu, parents célèbres ou pas. Marcello Mio rend honneur et justice à Chiara. Elle est Chiara assurément et pleinement, une Chiara qui ne rime plus automatiquement avec papa Mastroianni ou maman Deneuve.

De fait plus le récit avance, plus il rejoint le ton d’une comédie pour le coup à l’italienne? 

D’autant que c’est le vrai sujet principal du film : comment transformer sa vie en comédie ? Le voyage à Rome et le séjour dans une station balnéaire de la riviera m’a beaucoup stimulé et a inspiré aux acteurs une joyeuse envie de s’amuser. Notamment à l’occasion d’une scène dans un émission de téléréalité, genre où la télévision Italienne excelle. L’émission s’appelle Da noi... a ruota libera (Avec nous… en roue libre) et évidemment tout y est trucages, faux semblants, mensonges, mises en scène, et par tant d’une mine de gags involontaires pour la plupart hilarants. L’effet d’abime sera encore plus puissant pour les spectateurs italiens du film car la présentatrice de l’émission est jouée par la somptueuse Francesca Fialdini, une star de la RAI italienne et qui elle non plus ne manque pas d’humour. L’Italie c’est aussi ce moment où le film bifurque, emprunte des chemins de traverse, sans pour autant se perdre. Des itinéraires bis où l’on croise le hasard, le mystère. Des fictions dans la fiction. Pour moi, un film est un organisme vivant donc mutant où ce sont les acteurs qui entraînent les scènes et pas l’inverse.

Comédie de Christophe Honoré. 3,1 étoiles AlloCiné. 1 nomination au festival de Cannes 2024 (Edition 77).

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