À Richelieu, ville industrielle du Québec, Ariane est embauchée dans une usine en tant que traductrice. Elle se rend rapidement compte des conditions de travail déplorables imposées aux ouvriers guatémaltèques. Tiraillée, elle entreprend à ses risques et périls une résistance quotidienne pour lutter contre l’exploitation dont ils sont victimes.
Avant Dissidente, j’ai réalisé une dizaine de courts métrages dont plusieurs fictions déjà inspirées de longues recherches documentaires. Mon film Tala s’intéressait aux aides ménagères philippines qui travaillent dans les familles bourgeoises québécoises. Lors de l’enquête que j’ai menée pour le réaliser, j’ai découvert la communauté des migrants guatémaltèques qui est devenue le cœur de Dissidente.
Le programme des travailleurs étrangers temporaires. C’est un mécanisme du gouvernement fédéral canadien qui permet aux entreprises d’importer de la main-d’œuvre de différents pays du tiers monde avec lesquels le Canada a des ententes diplomatiques. C’est le cas du Mexique, du Guatemala et des Philippines. Si les Philippines fournissent surtout des femmes qui deviennent aides ménagères, l’Amérique Centrale offre des bras masculins pour travailler dans nos champs ou dans nos usines de transformation alimentaires. J’ai commencé à m’y intéresser en 2013, j’ai recueilli énormément d’informations sur ce programme, et je me suis rendu compte qu’on parlait très peu des abus…J’ai d’abord pensé réaliser un documentaire pour vérifier les allégations que j’avais lues pour savoir s’il y avait ou non exploitation de ces travailleurs.
Au fur et à mesure que j’enquêtais, je me suis rendu compte que personne ne voulait parler publiquement des abus et de l’exploitation par peur des représailles. De facto, mon projet est devenu une fiction puisque c’était la seule façon de dire la vérité tout en protégeant l’anonymat des témoins.
Les premières années, j’ai commencé à enquêter tout en travaillant sur d’autres films. En 2016/2017, j’ai écrit le cœur du scénario à partir des témoignages que j’ai recueillis. En 2018, je suis parti au Guatemala avec l’actrice Ariane Castellanos pour vérifier ce qu’on m’avait dit en rencontrant des travailleurs chez eux. En restant au Québec, il était difficile d’avoir des témoins fiables parce que quand ils sont ici, ils travaillent sans arrêt et ne veulent surtout pas être vus en train d’échanger avec quelqu’un qui ressemble de près ou de loin à un journaliste.
Les lettres de recommandations par exemple lui sont spécifiques. C’est aussi une population très métissée avec ses autochtones. Enfin, sur les 60 000 travailleurs étrangers temporaires qui viennent chaque année au Québec, la moitié vient du Guatemala. Ils ne sont là que pour travailler et doivent repartir dès que leur contrat de travail est échu. Certains viennent quelques semaines pour la récolte d’un légume particulier et d’autres restent 11 mois et 2 semaines, le temps maximum autorisé, et cela parfois depuis 15 ou 20 ans. La majorité travaille dans l’industrie agroalimentaire mais, à cause du déclin démographique québécois, ils finissent par combler les besoins de maind’œuvre non qualifiée d’autres secteurs. C’est une communauté importante pour notre économie mais qui ne peut pas participer à la vie citoyenne.
Drame de Pier-Philippe Chevigny. Propos recueilli par Claire Viroulaud. 4 étoiles AlloCiné. Saint-Jean-De-Luz, Festival international du film prix du public.