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Les trois fantastiques


Max, Vivian et Tom, 13 ans, sont inséparables. Ce début d’été est plein de bouleversements : la dernière usine de leur petite ville des Ardennes ferme tandis que Seb, le grand frère de Max, sort de prison. Ses combines vont peu à peu entraîner les trois adolescents dans une chute qui paraît inéluctable.

Entretien avec le réalisteur, Michaël Dichter.


Racontez-nous la genèse du film.

LES TROIS FANTASTIQUES est un film qui tourne autour de la question de l’abandon : un père absent qui a abandonné ses enfants, une mère qui abandonne son rôle de mère, un grand frère qui abandonne son petit frère, un ami qui abandonne ses amis dans une ville où les habitants ont abandonné la lutte et où l’usine qui les fait tous vivre abandonne le territoire. Ce sont des choses qui me parlent. Quand le système est trop écrasant pour lutter, il faut trouver d’autres manières pour vivre et survivre, c’est ce que je raconte dans ce film.

LES TROIS FANTASTIQUES se déroule en Région Grand Est, entre Charleville-Mézières et Revin. Pourquoi avoir choisi ce lieu en particulier ?

Cette région, et plus précisément cette zone des Ardennes, me parle énormément. J’ai eu le sentiment, dès les premiers instants à Revin et avant même d’y tourner le court-métrage, que cette ville était la jumelle de condition sociale actuelle de la ville de région parisienne dans laquelle j’ai grandi au début des années 2000. Toutes les rencontres que j’ai faites dans les Ardennes allaient dans le même sens : les personnes qui y vivent ont une âme battante et généreuse, mais elles se sentent laissées pour compte, isolées. À cause de la désindustrialisation, à cause du chômage, à cause du manque de perspectives. Une ville comme Revin a compté jusqu’à 12 000 habitants à la fin des années 60. Il en reste à peine plus de 5 000 aujourd’hui. Presque deux voisins sur trois ne sont plus là. Ceux qui sont restés ont été très marqués par ces départs. 

Est-ce que vous envisagez la dernière séquence du film comme une possibilité  de   réconciliation ou comme la fin définitive d’une époque ?

LES TROIS FANTASTIQUES est un film sur la nostalgie, c’est un film qui marque pour moi la fin d’une époque, comme pour ces gamins. Ce qui leur reste, ce sont les souvenirs. Il y a ces plans sur les photos dans le container, les trophées, les traces de leur passé. Ils ont vécu tout ça. Cette amitié va rester là. Je suis convaincu que notre propre passé étant ce qui nous a construit et fait de nous qui nous sommes, c’est en lui qu’on trouve, souvent, des réponses aux questions qu’on se pose, même des années plus tard. La nostalgie n’est pas synonyme, pour moi, de regret, de mélancolie. C’est plutôt une force, un sentiment que je trouve noble.

La musique est très présente dans le film. Est-ce que vous pouvez me parler de ce parti pris de mise en scène et de votre collaboration avec le compositeur Hugo Gonzalez-Pioli ?

J’aime tous les outils du cinéma : la musique, la chorégraphie, le jeu, la mise en scène, l’image, la lumière… Puisque j’ai tout ça à disposition, je ne veux me priver de rien, j’ai envie de tout explorer. Démarrer le film avec Johnston, dans un cours d’anglais, c’est une manière de faire un pacte : je ne mens pas sur le fait que j’aime le cinéma américain. J’aime beaucoup la musique dans les films, c’est un élément dont je n’ai pas envie de me priver, ça me permet de m’amuser encore plus avec la mise en scène. On a travaillé avec Hugo bien en amont du tournage, on avait les premières musiques un an avant, composées sur scénario. On a énormément échangé sur le film, les musiques n’ont cessé d’évoluer. Au final, Hugo a composé 55 minutes de musique pour le film ! 

À l’écriture, avez-vous envisagé chaque personnage comme les représentants, les types d’un genre en particulier ?

Oui, ils ont été envisagés comme des types, on le voit très bien au sein du groupe des trois amis. Ils devaient être trois représentations de ce qu’est un enfant. Il y a Tom, le gamin le plus innocent, le plus mignon dont on pressent déjà qu’il va morfler. Vivian, c’est l’enfant qui se prend pour un adulte, c’est le chef de la bande. Puis il y a l’enfant qui est déjà un adulte mais qui ne le sait pas encore, c’est Max. Il va le découvrir au fur et à mesure et conscientiser cette place. Il a déjà quitté l’enfance et son innocence.

Dans le film, il y a cette scène où Vivian dit à Max : « Peut-être que dans un autre monde, on vit pas dans la même ville, et tout ce qu’on a fait, on aurait pas été obligé de le faire »  On a l’impression à ce moment-là que le film pourrait bifurquer vers le fantastique.

On a tous envie de croire en une vie parallèle, de vivre mille vies, c’est aussi pour ça qu’on va au cinéma je crois. Dans mon prochain film, il sera question d’un univers auquel je n’ai pas accès, et c’est le cinéma qui me le rend accessible. Cette idée du multivers plaît aux ados comme aux adultes, c’est un sujet qui est universel. 

Drame de Michaël Dichter. Propos recuilli par Laurent Renard. 3,8 étoiles AlloCiné.

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