Jacques Romand est un professeur qui a perdu sa vocation. Témoin d’une agression dans une épicerie de quartier, il permet l’arrestation de l’un des voleurs : Victor, 14 ans. Mais en découvrant le sort de ce gamin déscolarisé que l’on force à voler pour survivre, Jacques va tout mettre en œuvre pour venir en aide à ce jeune parti sur de si mauvais rails.
Je voulais tout d'abord écrire un film sur l'importance de la figure du professeur. Et rendre hommage à ceux qui m'ont aidé à me constituer. Nous avons tous en mémoire des professeurs, des maîtres, qui ont très fortement influé sur notre destin. Mais beaucoup de longs-métrages ayant déjà été faits sur le sujet, et de très bons, je cherchais dans mon histoire à sortir de la structure professionnelle dans laquelle ce personnage évolue la plupart du temps pour parler de la figure d'un professeur en soi, hors de son contexte. Hors de l'école, du collège ou du lycée qui servent quasi systématiquement de cadres aux films sur l'éducation. On entend souvent dire aujourd'hui, et au plus haut sommet de l'état, que le professeur est un des "piliers de la république". Tourner un histoire entière hors du contexte de l'école me paraissait être une bonne façon d'honorer ces héros du quotidien. La seconde idée est née en voyant sur scène plusieurs humoristes faire des piques d'un humour assez pauvre sur la communauté des Roms.
En discutant avec beaucoup de professeurs, je me suis très vite retrouvé confronté à ce problème de vocations qui perturbe aujourd’hui le pays. Ce métier engendre un immense questionnement et de sérieux doutes. Dans ce contexte, j’ai voulu brosser le portrait d’un prof en crise de foi. Jacques Romand est un personnage à la Simenon, totalement déprimé et en quête de sens. N’arrivant plus à exprimer son idéal en tant que prof, il s’est retiré de l’Education Nationale. Le fait qu’il n’enseigne plus me permettait ainsi d’interroger le métier plutôt que de le filmer uniquement dans sa pratique. Et de raconter au fond, que le malaise de beaucoup de professeurs vient de leur relation à la structure dans laquelle ils évoluent plutôt que d’un rejet du fait même d’enseigner.
Comme tous les peuples nomades, ils sont rejetés par les sédentaires et ne trouvent pas leur place dans un monde de plus en plus structuré et conditionné. A force d’être rejetée par tous, cette population dotée d’une culture ancestrale s’est refermée sur elle-même et est devenue impénétrable. Dans le film, je parle uniquement des Roms de Roumanie qui sont sans doute les plus pauvres de tous. Lorsqu’on interroge la police, elle explique qu’il y a chez eux très peu de faits divers sanglants, essentiellement des larcins, mais que la maltraitance des enfants par des tuteurs violents est aussi un grave problème, même si bien sûr ce n’est pas la majorité. D’autant que ces gamins ne sont pas souvent scolarisés : à cause du racisme qu’ils subissent des autres élèves et qui génère trop de problèmes, des directeurs d’école refusent de les intégrer à leurs effectifs. Certaines écoles et quelques associations font néanmoins un travail remarquable auprès d’eux et offrent un portrait encore différent de cette population.
Hier encore, cette crise des vocations chez les professeurs n’intéressait pas beaucoup les financiers et pourtant elle devient aujourd’hui un sujet récurrent car il n’y a jamais eu autant d’enseignants qui quittent le métier. Concernant l’immigration, ce qui nous semblait intéressant avec les Roms, c’était de faire un film sur les enfants de migrants européens, car si on n’arrive pas à gérer ceux qui ont le droit d’être là, comment allons-nous gérer les centaines de milliers d’enfants des réfugiés économiques, climatiques ou fuyants les guerres qui vont inévitablement arriver d’ici quelques années ? Ce film tente de montrer que la seule façon d’intégrer ces enfants, qu’on le veuille ou non, c’est l’éducation.
Drame de Nicolas Boukhrief. Propos recueilli par Marie Queysanne. 3,4 étoiles AlloCiné.