La Cour d'appel de Riom a annulé le licenciement pour faute grave de Mme [R] par la société Nouvelle laiterie de la montagne, jugeant que les faits reprochés ne constituaient pas une faute imputable. Cette décision rappelle aux employeurs l'importance de prouver clairement le comportement fautif lors d'un licenciement.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Riom, 7 juin 2022), Mme [R], engagée le 1er août 2006 par la laiterie Toury, devenue la société Nouvelle laiterie de la montagne, occupait en dernier lieu les fonctions d’employée de conditionnement.
2. Licenciée pour faute grave le 26 septembre 2018, elle a saisi la juridiction prud’homale de demandes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail.
3. La salariée fait grief à l’arrêt de dire que son licenciement était justifié par une faute grave et de la débouter de l’intégralité de ses demandes en lien avec la rupture de son contrat de travail et de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté contractuelle, alors « qu’un comportement fautif ne peut résulter que d’un fait imputable au salarié ; qu’en retenant à l’encontre de l’exposante une faute grave pour la seule raison que la conversation litigieuse avec son supérieur hiérarchique s’était déroulée sur le parking de la société alors qu’elle était en congés et n’avait aucune raison de s’y trouver et qu’en se présentant sur son lieu de travail pendant une période de congés en compagnie d’un ancien salarié de la société congédié en raison de violences vis-à-vis d’un autre supérieur hiérarchique, elle était à l’origine de l’altercation opposant son supérieur hiérarchique à cet ancien salarié quand la salariée n’était pas en congés et était présente sur son lieu de travail pour prendre son poste, la cour n’a pas caractérisé à son encontre des faits fautifs et a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail. »
Vu les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail :
4. Il résulte de ces textes que le comportement fautif retenu comme cause du licenciement ne peut résulter que d’un fait imputable au salarié.
5. Pour dire que le licenciement reposait sur une faute grave et débouter la salariée de l’intégralité de ses demandes en lien avec la rupture de son contrat de travail, l’arrêt retient, d’abord, que la salariée s’est présentée sur les lieux de son travail le 6 août 2018 à 4 heures du matin, alors qu’elle devait être en congés, pour réclamer, dans des conditions houleuses, l’attribution d’une semaine supplémentaire de congés. Il relève, ensuite, que les circonstances mêmes de la conversation ne pouvaient qu’interroger dès lors qu’elle s’était déroulée sur un parking, à 4 heures du matin, alors que la salariée était en congés et n’avait aucune raison de s’y trouver. Il retient, enfin, que l’employeur établissait l’existence d’une faute grave, de nature à empêcher toute poursuite du contrat de travail de la salariée, laquelle, en se présentant pendant une période de congés en compagnie d’un ancien salarié de la société congédié en raison de violences vis-à-vis d’un autre supérieur hiérarchique, était à l’origine d’une altercation opposant son supérieur hiérarchique à cet ancien salarié.
6. En statuant ainsi, alors d’une part, que, dans leurs conclusions d’appel, les parties s’accordaient sur le fait que la salariée n’était pas en congés le 6 août 2018 et s’était présentée sur le parking de l’entreprise à une heure matinale pour prendre son service à 5 heures et d’autre part, qu’elle constatait que l’altercation s’était produite hors du temps et du lieu de travail et avait opposé son supérieur hiérarchique et son compagnon, ancien salarié de l’entreprise, par des motifs impropres à caractériser à l’encontre de la salariée des faits qui lui seraient imputables, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
7. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l’arrêt disant le licenciement fondé sur une faute grave et déboutant la salariée de l’intégralité de ses demandes en lien avec la rupture de son contrat de travail entraîne la cassation des chefs de dispositif condamnant la salariée aux dépens et au paiement de la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que le licenciement repose sur une faute grave, déboute Mme [R] de l’intégralité de ses demandes en lien avec la rupture de son contrat de travail et en ce qu’il statue sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 7 juin 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Riom ;
Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;
Condamne la société Nouvelle laiterie de la montagne aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Nouvelle laiterie de la montagne et la condamne à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille vingt-quatre.
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