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Un fournisseur peut établir sa créance et exiger le paiement de son client récalcitrant, sur la base des seules factures émises par lui.


M. [K] conteste une dette envers la société Rubis, affirmant que plusieurs bons de livraison sont absents ou non signés. La cour d'appel a confirmé la créance, mais M. [K] soutient avoir déjà effectué des paiements, ce qui, selon lui, laisse un solde en sa faveur.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 septembre 2022), le 21 mars 2010, M. [K] a ouvert un compte client auprès de la société Rubis Avignon (la société Rubis). Contestant devoir la somme réclamée par la société Rubis au titre de factures impayées, M. [K] a formé opposition à l’ordonnance d’injonction de payer que celle-ci avait obtenue.

2. M. [K] ayant été mis en redressement judiciaire, M. [I] a été appelé en la cause en sa qualité de mandataire judiciaire puis de commissaire à l’exécution du plan de redressement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [K] fait grief à l’arrêt de fixer à son passif la créance à titre chirographaire de la société Rubis à la somme de 11 149,78 euros, alors :

« 1°/ que nul ne peut se constituer de titre à soi-même ; que, pour fixer la créance de la société Rubis au passif de M. [K] à la somme de 11 949,78 euros, pénalité contractuelle de 20 % incluse, la cour d’appel s’est fondée sur un relevé de compte client de ce dernier, les copies de quatre factures et divers documents intitulés « bons de livraison », dont elle relevait elle-même que, "si quelques (uns) portent la signature de M. [K], d’autres n’en comportent aucune ou sont revêtus d’un simple paraphe non identifiable" ; qu’en estimant cependant que la société Rubis « justifiait par la production de (telles) pièces du bien-fondé de sa créance », au moins pour partie d’entre eux, des éléments de preuve unilatéraux, la cour d’appel a violé l’article 1363 du code civil ;

2°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que, dans ses conclusions d’appel, M. [K] a invoqué le principe suivant lequel nul ne peut se constituer de preuve à lui-même, pour faire valoir que « seuls les bons de livraison visés par les factures du 30 avril 2014 et du 31 mai 2014 sont produits par la société Rubis Avignon » et que, « sur les vingt-cinq bons de livraison visés par ces deux factures, seuls cinq bons de livraison sont signés par (lui) », les autres bons ne l’étant pas ; qu’il a ajouté que « certains bons de livraison ne comportent aucune mention, d’autres sont revêtus d’une signature qui n’est manifestement pas (la sienne) : il s’agit de gribouillis voire parfois même de dessins obscènes », étant rappelé que, suivant la convention des parties, il était seul « habilité » à signer les bons de livraison ; que, pour fixer la créance de la société Rubis au passif de M. [K] à la somme de 11 949,78 euros, pénalité contractuelle de 20 % incluse, la cour d’appel s’est fondée sur un relevé du compte client de ce dernier, les copies de quatre factures et divers documents intitulés « bons de livraison » ; qu’en se déterminant ainsi, sans se prononcer, comme l’y invitaient les chefs de conclusions précitées, sur le défaut de valeur probante des pièces produites par la société Rubis, notamment par application du principe susvisé, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ; que, pour fixer la créance de la société Rubis au passif de M. [K] à la somme de 11 949,78 euros, pénalité contractuelle de 20 % incluse, la cour d’appel, après avoir constaté qu’ « aucun bon de livraison n’est joint concernant la facture n° 317237 du 5 août 2014 de 1 098,24 euros, laquelle précise dans la rubrique conditions de paiement 'due' », a relevé que la société Rubis « indique qu’il s’agit d’une facture au comptant n’ayant pas généré de bon de livraison » ; qu’en se fondant sur la seule facture produite par la société Rubis, élément de preuve unilatéral, dont elle relevait elle-même qu’il n’étais pas conforté par aucun bon de livraison signé par M. [K], la cour d’appel a violé l’article 1363 du code civil ;

4°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que, dans ses conclusions d’appel, M. [K] a fait valoir que, « parmi les bons de livraison visés dans les factures litigieuses, seuls cinq bons de livraison sont effectivement signés par (lui) et l’engagent, à savoir : celui du 25 avril 2014 n° 107712 de 15,76 euros HT (pièce adverse n° 5), celui du 5 mai 2014 n° 108418 de 3 705,97 euros HT (pièce adverse n° 19), celui du 6 mai 2014 n° 108551 de 21,24 euros HT (pièce adverse n° 5), celui du 9 mai 2014 n° 108815 de 115,08 euros HT (pièce adverse n° 5), celui du 12 mai 2014 n° 108959 de 811,68 euros HT (pièce adverse n° 19) », de sorte que le prix total des marchandises livrées était de 4 216,32 euros ; qu’il a souligné, ensuite, qu’il avait remis pour paiement à la société Rubis une somme de 7 000 euros, au moyen d’un chèque encaissé le 9 mai 2014 d’un montant de 2 000 euros et d’un chèque encaissé le 2 juin 2014 d’un montant de 5 000 euros ; qu’il en a conclu ne rien devoir à la société Rubis, dès lors que les pièces qu’elle produisait démontraient l’existence d’un « solde » en sa faveur de 2 783,68 euros (4 216,32 – 7000) ; qu’en statuant comme elle l’a fait, pour fixer la créance de la société Rubis au passif de M. [K] à la somme de 11 947,78 euros, pénalité contractuelle de 20 % incluse, sans se prononcer sur les chefs de conclusions précités démontrant « l’absence de créance de la SAS Rubis Avignon », la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la cour

4. Après avoir relevé que M. [K] se fournissait depuis 2010 auprès de la société Rubis et que la prise de possession de la marchandise s’effectuait essentiellement par retrait, M. [K] étant désigné en tant que personne habilitée pour y procéder, l’arrêt relève d’abord que la société Rubis produit un relevé du compte client de M. [K] certifié conforme en ses livres, faisant état d’un solde débiteur de 9 999,49 euros correspondant au montant cumulé de quatre factures émises au nom de M. [K] les 30 avril, 31 mai, 30 juin et 8 août 2014, déduction faite de deux acomptes de 2 000 euros et 5 000 euros. Il retient ensuite que plusieurs bons de livraison portent la signature de M. [K] et que si d’autres n’en comportent aucune ou sont revêtus d’un simple paraphe non identifiable, M. [K] ne saurait en tirer argument pour s’exonérer de son obligation de paiement dans la mesure où il est établi qu’il s’est précédemment acquitté du paiement de factures correspondant à des bons de livraison non revêtus de sa signature. Il constate enfin que les conditions générales de vente qui lient les parties prévoient que les sommes dues sont majorées d’une indemnité fixée à 20 % de leur montant en cas de recouvrement contentieux, de sorte qu’une somme de 1 999,89 euros est également due à ce titre.

5. En l’état de ces constatations et appréciations souveraines de la valeur probante des pièces produites par la société Rubis, la cour d’appel, qui n’a pas pu violer le principe selon lequel nul ne peut se constituer de titre à soi-même, dès lors qu’il n’est pas applicable à la preuve d’un fait juridique tel qu’une livraison, et qui a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées, a pu retenir que la société Rubis rapportait la preuve de l’existence et du montant de sa créance.

6. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [K] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [K] ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille vingt-quatre.

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