Joan n'est plus amoureuse de Victor et souffre de se sentir malhonnête avec lui. Alice, sa meilleure amie, la rassure : elle-même n’éprouve aucune passion pour Eric et pourtant leur couple se porte à merveille ! Elle ignore qu’il a une liaison avec Rebecca, leur amie commune... Quand Joan décide finalement de quitter Victor et que celui-ci disparaît, la vie des trois amies et leurs histoires s’en trouvent bouleversées.
ENTRETIEN AVEC EMMANUEL MOURET
Ce qui m’intéressait, c’était de faire tourner autour d’un personnage tragique, celui de Joan (India Hair), d’autres situations et personnages qui contrebalancent la tonalité et les points de vue, incarnés par ses deux amies, Alice (Camille Cottin) et Rebecca (Sara Forestier). Le tragique de Joan prend racine dans ses propres sentiments et scrupules, et dans une conception de l’amour intimement liée à l’honnêteté, une vertu qu’elle hisse au-dessus de tout. Malgré toute l’affection qu’elle éprouve pour Victor avec qui elle vit, elle s’aperçoit en sondant au fond d’elle qu’elle n’en est plus amoureuse. En le lui dévoilant, elle provoque une séparation qui elle-même conduit à un malheur, puisque Victor meurt dans un accident, et Joan s’en sent responsable. Mais ce film n’est pas qu’un mélodrame. La trame de Joan, en étant associée à la situation symétriquement inversée d’Alice pour qui le lieu du couple n’est pas celui de la passion, qui fait souffrir, mais celui de la stabilité sécurisante, permet des allers-retours à la fois entre des idées opposées, mais aussi entre des tonalités différentes. La troisième amie, Rebecca, qui vit dans l’inconfort amoureux et professionnel et cherche davantage de stabilité, offre encore un autre point de vue, et même un autre registre, encore plus fantaisiste. Trois Amies est pour moi une comédie dramatique dans le sens où le tragique et le comique y sont entrelacés tout du long.
L’amitié permet des variations de situations intéressantes et délicates : elle induit des cas de conscience, de responsabilité et de conseil, un intérêt accru aux intérêts de l’autre, et parfois une utilisation du mensonge pour préserver l’autre. Dans ce film, à aucun moment l’amitié de ces femmes n’est en crise bien que leur vie sentimentale soit agitée. Autant les histoires d’amour les bouleversent, autant le socle de ces trois amies ne bouge pas.
Je souhaitais que l’action se déroule dans une grande ville, ce qui permet une variété de décors. Lyon est une ville qui offre une grande diversité architecturale, depuis les théâtres romains jusqu’aux rues des pentes et les gratte-ciels de Villeurbanne ! Je souhaitais également une ambiance qui ne soit pas trop solaire. Lyon condense cette intériorité du Nord et ces élans du Sud.
La musique représente un chantier important, car le film comporte beaucoup de scènes et de personnages. Il nous faut trouver une grande variété de thèmes. Nous croisons nos références avec Martial Salomon. J’ai un goût prononcé pour beaucoup de compositeurs classiques, on a pu l’observer sur mes précédents films, mais sur celui-ci, nous avons travaillé pour la première fois avec Benjamin Esdraffo, qui a composé les partitions des moments-clés. Ce fut une très belle rencontre. Nous avons partagé des sources d’inspiration très hétéroclites – naviguant de Chostakovitch à Howard Shore, en passant par Poulenc, Mozart, Beethoven ou Bernard Hermann. Et Benjamin a su créer des thèmes en grande cohérence avec les musiques que Martial et moi avions sélectionnées pour ce film. Nous étions très heureux de cette collaboration.
Comédie dramatique, Romance de Emmanuel Mouret. Propos recueillis par Anne-Claire Cieutat. 3,7 étoiles AlloCiné.