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Quand vient l’automne


Michelle, une grand-mère bien sous tous rapports, vit sa retraite paisible dans un petit village de Bourgogne, pas loin de sa meilleure amie Marie-Claude. A la Toussaint, sa fille Valérie vient lui rendre visite et déposer son fils Lucas pour la semaine de vacances. Mais rien ne se passe comme prévu.

ENTRETIEN AVEC FRANÇOIS OZON

Comment vous est venu le point de départ du film ?

De mon histoire personnelle. Enfant, une de mes tantes avait organisé un repas de famille où elle avait cuisiné des champignons, qu’elle avait elle-même ramassés. Pendant la nuit, tout le monde avait été très malade, sauf elle, qui n’en avait pas mangé. Cette histoire m’avait fasciné et je soupçonnais ma tante, si gentille et bienveillante, d’avoir voulu empoisonner toute la famille (ce qui était un peu mon désir profond) ! Plus tard, en découvrant Le Roman d’un tricheur de Guitry, j’ai évidemment repensé à elle. Quand on cuisine des champignons, est-ce qu’on n’a pas, plus ou moins consciemment, envie de se débarrasser de quelqu’un ? Je suis parti de cette question pour créer ce personnage, qui en apparence a tout de la « mamie gâteau », mais qui pourrait être plus trouble que l’image qu’elle renvoie.

Quand vient l’automne tourne autour d’un trou noir, celui de nos actes manqués. 

J’avais envie dans la narration de mêler la difficulté du vieillissement à un aspect thriller. Avec le parti pris de laisser des éléments hors-champ et beaucoup de non-dits, ce qui permet au spectateur de faire son propre film et d’avoir sa propre interprétation sur le comportement de Michelle ou de Vincent, le fils de Marie-Claude, qui sort de prison et dont on sait juste « qu’il a fait des bêtises ». Souvent, la vie nous offre par inadvertance la réalisation de nos souhaits ou désirs les plus secrets. On a tendance à sanctifier et idéaliser les personnes âgées, à oublier qu’elles ont eu un passé plus complexe qu’il n’y paraît, qu’elles ont été jeunes, qu’elles ont une sexualité, un inconscient… Je voulais faire sentir toute l’ambiguïté du besoin de Michèle de revoir son petit-fils. Rien n’est totalement clair ou volontaire dans ses actes. Il y a des circonstances, de l’accidentel, de l’immanence. Je voulais aussi que le film nous interroge sur nos comportements, sur nos réactions lorsqu’un proche est soupçonné d’avoir commis un acte que l’on peut désapprouver, mais dont on n’est pas témoin. Le doute s’installe. Et jusqu’où est-on prêt à le protéger ? Ce questionnement résonne particulièrement avec ce qui agite notre société aujourd’hui.

Au centre de Quand vient l’automne, il y a aussi l’amitié de Michèle et Marie-Claude, qui contribue à donner son rythme au film.

Cette idée d’amitié et de sororité était déjà présente dans Mon crime, avec deux jeunes filles qui s’entraident. Mais ici, il s’agit de deux femmes beaucoup plus âgées, deux femmes qui ont partagé un même travail, un passé… J’avais envie de filmer leur plaisir à vivre ensemble au quotidien. Michèle et Marie-Claude sont comme deux sœurs, dont l’une a visiblement plus souffert que l’autre. Marie-Claude n’a pas la force de Michèle. Ni son absence de morale. Elle ne sait pas s’arranger avec le réel, elle le prend en pleine face, le subit dans son corps, en tombe malade. Elle se sent responsable de son fils, qui a été en prison, elle culpabilise et s’interroge sur ce qu’elle a fait de mal en tant que mère. Alors que Michèle se console et s’en arrange plus facilement : « On a fait comme on a pu ! » 

Pourquoi le choix d’Hélène Vincent et Josiane Balasko pour incarner ces deux amies ? 

Nous avions travaillé ensemble sur Grâce à Dieu, où elles jouaient déjà des mères. Il s’agissait de petits rôles, mais marquants. J’avais eu beaucoup de plaisir à travailler avec elles et j’avais envie de poursuivre notre collaboration. Hélène Vincent n’a finalement pas eu tellement de premiers rôles au cinéma. C’est une grande actrice, qui peut exprimer à la fois la dureté et une grande tendresse. Elle a une beauté quotidienne, fascinante à regarder. Elle s’est complètement glissée dans son personnage. Coïncidence, elle vit en Bourgogne, pas très loin de là où nous avons tourné. Quant à Josiane Balasko, elle arrive à incarner la culpabilité, qui mine Marie-Claude, et son train de vie plus modeste, rien qu’à sa démarche, son corps et son visage qui dégagent une humanité très forte. Pierre Lottin, qui joue Vincent, avait aussi un petit rôle dans Grâce à Dieu. Il est la fois très beau et inquiétant, il amène d’emblée de l’ambiguïté, une forme de duplicité. Je le trouvais parfait pour incarner ce garçon séduisant et dangereux, cet écorché vif dont on se dit qu’il peut vriller à tout moment. 

Comédie dramatique de François Ozon. Propos recueilli par André-Paul Ricci et Tony Arnoux. 3,7 étoiles AlloCiné.

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