Les années 80, dans le nord de la France. Jackie et Clotaire grandissent entre les bancs du lycée et les docks du port. Elle étudie, il traine. Et puis leurs destins se croisent et c'est l'amour fou. La vie s'efforcera de les séparer mais rien n'y fait, ces deux-là sont comme les deux ventricules du même cœur.
VOTRE FILM EST L’ADAPTATION D’UN LIVRE QUE VOUS AVEZ EU ENTRE LES MAINS IL Y A 17 ANS, QU’EST-CE QUI VOUS A ATTIRÉ DANS L’IDÉE DE L’ADAPTER À L’ÉPOQUE ?
Ce qui m'a vraiment accroché, c'est cette histoire d'amour sur fond de lutte des classes. Et puis, il y avait ce rappel des époques qui ont été les miennes, ce lien avec mon adolescence.
ET POURQUOI AVOIR ATTENDU 17 ANS POUR LE RÉALISER ?
Je n’étais pas prêt, il me fallait passer par des étapes avant de m’attaquer à ce projet très ambitieux. Et ce qui prend surtout du temps, c'est l'écriture. Je suis quelqu'un de très lent à ce niveau-là. Une fois que j'ai un scénario en main, je sais être rapide. Mon processus d’écriture est particulier parce que j'ai besoin de m'envoler quand j'écris. Je dois y croire, et lorsque je relis le travail le lendemain, je dois toujours y croire. Les séquences doivent être tenaces, elles doivent s'accrocher à moi comme des moules à leur rocher et survivre à toutes les épreuves. Pour y parvenir, j'ai tendance à repartir en arrière, à revisiter, à réécrire. Et lorsqu’une scène prend forme et qu'elle résonne comme un cœur qui bat, comme ce chewing-gum dans le film, alors je sais que je suis sur la bonne voie.
Cette histoire d'amour résonnait avec les périodes de mon adolescence et de mes jeunes années d'adulte. J’ai toujours été attiré par les histoires d'amour contrariées, par le côté lutte des classes qui émane de l’amour pour quelqu’un qui a priori n'est pas fait pour vous. Cette direction narrative me semblait en harmonie avec mes goûts littéraires et cinématographiques. C’est en quelque sorte un hommage indirect à Martin Eden, un roman que j'adore. Cela fai écho aussi à des films que j'ai aimés, notamment à ceux de Coppola des années 80, comme RUSTY JAMES ou OUTSIDERS. Une espèce de doux mélange entre violence et sentiments exacerbés, entre chaud et froid, entre sucré et âpre.
LE FAIT DE PORTER EN TÊTE CE PROJET DE FILM PENDANT TOUTES CES ANNÉES, DEPUIS 17 ANS, N’A-T-IL JAMAIS ÉPUISÉ VOTRE DÉSIR ? ÊTES-VOUS À CE POINT OBSTINÉ QUE VOUS SAVIEZ QU’IL SE CONCRÉTISERAIT UN JOUR ?
Non, je n'avais pas conscience, du moins je n'avais pas de certitude absolue que ce film verrait le jour. Mais ce qui s’est révélé plutôt intéressant, c'est que je trouvais une partie du livre moins captivante, celle du mariage. Avec le temps, j’ai pu inventer des scènes et des situations qui n’étaient pas dans le livre. En fait, je me suis créé une histoire parallèle à celle qui a été écrite. Je me souviens que le film préféré de mon père était L’INCONNU DE LAS VEGAS qui a inspiré OCEAN'S ELEVEN. Des années après l’avoir vu et revu avec mon père, je me suis aperçu que j’avais imaginé des scènes qui n’existaient pas. De la même manière, pour L’AMOUR OUF, une troisième partie est née en moi, de façon totalement inconsciente, avec de nouvelles scènes qui se sont développées d’elles-mêmes. Cela s’est avéré plutôt bénéfique. Cette longue période a favorisé une maturation du sujet, un renoncement puis une reconquête m’offrant ainsi une vision très globale, approfondie et précise de ce que je voulais accomplir. Ce processus d'épuration du sujet m'a donné une base solide lorsque nous nous sommes mis au travail d’écriture avec Audrey Diwan et Ahmed Hamidi.
Comédie, Romance, Thriller de Gilles Lellouche. Propos recueilli par Sophie Fracchia. 4,2 étoiles AlloCiné.