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Négociation de particulier à particulier


La Cour de cassation rappelle que si un syndicat souhaite participer à la négociation préélectorale, l'employeur doit, en l'absence d'accord valide, saisir l'autorité administrative pour répartir les sièges et électeurs dans les collèges électoraux.


Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Melun, 4 mars 2022), le 6 avril 2021, l'Union des syndicats anti-précarité (l'USAP) a demandé à la société Repotel (la société) la mise en place des élections des membres du comité social et économique. L'employeur a invité les organisations syndicales à négocier un protocole d'accord préélectoral. L'USAP et le syndicat UNSA ont participé à la négociation qui a échoué.

2. La société a organisé les élections des membres du comité social et économique de son établissement qui se sont déroulées les 15 et 25 novembre 2021. L'USAP et l'UNSA n'ont présenté aucun candidat. Mmes [Y], [C] et [H], candidates sur la liste présentée par le syndicat CFDT, ont été élues.

3. Par requêtes reçues les 30 novembre 2021 et 11 janvier 2022, l'USAP a saisi le tribunal judiciaire de demandes tendant à l'annulation des élections et à ce que soit ordonnée la négociation d'un protocole d'accord préélectoral.

Sur le moyen pris en sa deuxième branche : Enoncé du moyen

4. L'USAP fait grief au jugement de rejeter sa requête en annulation des élections au comité social et économique du site Repotel des 15 et 25 novembre 2021, alors « que selon l'article L. 2314-13 du code du travail, lorsqu'au moins une organisation syndicale (représentative ou non) a répondu à l'initiative de l'employeur mais qu'aucun accord n'a pu être obtenu, seule l'administration peut répartir le personnel et les sièges entre les différents collèges électoraux ; qu'or en l'espèce, le tribunal a constaté que la société a réparti elle-même le personnel entre deux collèges, alors même que deux organisations syndicales avaient participé aux négociations d'un protocole d'accord préélectoral et qu'aucun accord n'avait été conclu ; qu'en statuant ainsi, alors qu'à défaut d'accord entre l'employeur et les organisations syndicales sur l'intégration du personnel administratif dans le deuxième collège, le chef d'entreprise devait saisir l'inspecteur du travail et qu'en l'absence de décision de ce dernier, l'élection n'a pas été valablement organisée, le tribunal a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2314-13 du code du travail :

5. L'alinéa 1er de ce texte dispose que la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales conclu selon les conditions de l'article L. 2314-6.

6. Selon l'alinéa 3 de l'article L. 2314-13 du code du travail, lorsqu'au moins une organisation syndicale a répondu à l'invitation à négocier de l'employeur et que l'accord mentionné au premier alinéa du présent article ne peut être obtenu, l'autorité administrative procède à cette répartition entre les collèges électoraux.

7. Il en résulte que, dès lors qu'une organisation syndicale a manifesté son intention de participer à la négociation préélectorale, l'employeur, à défaut d'accord préélectoral valide, a l'obligation de saisir l'autorité administrative pour faire procéder à la répartition des sièges et des électeurs au sein des collèges électoraux.

8. Pour débouter l'USAP de sa demande d'annulation des élections des membres du comité social et économique de l'établissement de la société, le jugement retient qu'il n'est pas contesté que l'USAP et l'UNSA ont participé à l'élaboration d'un protocole d'accord préélectoral pour les élections du comité social et économique de Repotel, que le projet de protocole n'a été signé par aucune des parties et que les élections ont été organisées unilatéralement par l'employeur le 15 novembre 2021, qu'il en résulte que la société aurait dû saisir l'autorité administrative pour établir la répartition entre les collèges électoraux et qu'une irrégularité a été commise. Le jugement relève que néanmoins la répartition des sièges effectuée par la société, entre un collège « employés » et un collège « autres salariés » correspondant au collège cadres et assimilés, agents de maîtrise, techniciens, est conforme aux dispositions légales. Il en déduit que la faute commise par l'employeur dans l'absence de saisine de l'autorité administrative pour la répartition des sièges dans les collèges n'a pas été de nature à influencer le résultat des élections.

9. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il avait constaté qu'au moins une organisation syndicale s'était présentée à la négociation préélectorale, ce dont il résultait qu'à défaut d'accord l'employeur devait saisir l'autorité administrative et qu'en l'absence de décision de celle-ci l'élection n'avait pas été valablement organisée, le tribunal a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute l'Union des syndicats anti-précarité de sa demande d'annulation des élections des membres du comité social et économique de l'établissement de la société Repotel des 15 et 25 novembre 2021 et en ce qu'il condamne l'Union des syndicats anti-précarité à payer à la société Repotel la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement rendu le 4 mars 2022, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Melun ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ANNULE les élections des membres du comité social et économique de l'établissement de la société Repotel des 15 et 25 novembre 2021 ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Repotel tant devant le tribunal judiciaire que devant la Cour de cassation et la condamne à payer à l'Union des syndicats anti-précarité la somme de 2 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille vingt-trois.

Photo : RDNE Stock project - Pexels.

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