Mme [B], salariée de la société B, conteste son licenciement disciplinaire en invoquant un harcèlement moral. La cour d'appel annule le licenciement, estimant que les faits présument un harcèlement. La société B critique cette décision, rappelant qu'un licenciement n'est nul que s'il est directement lié au harcèlement ou à son signalement, ce que la cour n'a pas clairement établi.
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 30 novembre 2023), Mme [B] a été engagée en qualité d'assistante en organisation par la société B. Au terme de ce contrat, la relation de travail s'est poursuivie pour une durée indéterminée.
2. Après avoir occupé des fonctions de directrice d'agence, la salariée a, en septembre 2017, été affectée au siège social en qualité de responsable de projet.
3. Par lettre du 11 octobre 2018, la société l'a convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 19 octobre suivant. Par lettre du 12 novembre 2018, la société lui a notifié son licenciement disciplinaire pour cause réelle et sérieuse.
4. Soutenant avoir subi un harcèlement moral, la salariée a saisi la juridiction prud'homale le 24 juin 2019 en contestation de la validité du licenciement et paiement de dommages-intérêts.
5. La société fait grief à l'arrêt de déclarer nul le licenciement de la salariée et de la condamner à lui verser une certaine somme au titre du préjudice résultant de la nullité du licenciement, alors « que, lorsque le salarié a subi des agissements de harcèlement moral, son licenciement n'est nul que s'il a été licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés, ce qu'il appartient aux juges du fond de vérifier, au besoin, d'office ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, d'une part, que Mme [B] établissait avoir été mutée dans deux établissements éloignés, sur des fonctions subalternes et avec un préavis de quelques jours, ainsi que la multiplication des investigations concernant l'agence dont elle était auparavant la directrice et le prononcé d'une mise à pied à titre conservatoire dont l'employeur avait finalement admis le caractère infondé, d'autre part, que l'employeur ne justifiait pas que ces faits laissant supposer une situation de harcèlement moral étaient étrangers à tout harcèlement ; qu'elle a, ensuite, énoncé que ''aux termes de l'article L. 1152-3 du code du travail, « toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul »'' et que ''par suite, réformant de ce chef le jugement entrepris, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la production de pièces complémentaires, il convient de déclarer le licenciement de Mme [B] nul'' ; qu'en déduisant ainsi la nullité du licenciement d'une situation de harcèlement moral préexistante, sans constater que la salariée aurait été licenciée pour avoir subi ou refusé de subir un harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés, la cour d'appel a méconnu son office et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, ensemble l'article 12 du code de procédure civile. »
6. La salariée soutient que le moyen est complexe et, dès lors, irrecevable.
7. Cependant, en dépit du visa de l'article 12 du code de procédure civile, le moyen, tel qu'il est formulé, n'invoque qu'un seul cas d'ouverture tiré de l'absence de caractérisation du lien de causalité entre le harcèlement moral et le licenciement, de sorte qu'il satisfait aux exigences de l'article 978, alinéa 3, du code de procédure civile.
8. Le moyen est donc recevable.
Vu les articles L. 1152-2, dans sa version antérieure à la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, et L. 1152-3 du code du travail :
9. Selon le premier de ces textes, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
10. Aux termes du second, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
11. Pour dire que le licenciement est nul, l'arrêt retient que la salariée établit des faits permettant de laisser supposer un harcèlement moral puis que l'employeur n'établit pas que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement et que les dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail s'appliquent.
12. En se déterminant ainsi, sans caractériser le fait que la salariée avait été licenciée pour avoir subi ou refusé de subir un harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
13. La cassation du chef de dispositif déclarant le licenciement nul et condamnant la société à payer à la salariée une certaine somme au titre du préjudice résultant de la nullité du licenciement n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le licenciement de Mme [B] nul et en ce qu'il condamne la société B à lui payer la somme de 75 000 euros au titre du préjudice résultant de la nullité du licenciement, l'arrêt rendu le 30 novembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne Mme [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le neuf avril deux mille vingt-cinq, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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