Willy et Jojo, deux ados inséparables, passent leur temps à chasser l’ennui dans un petit village au cœur de la France. Ils se sont fait une promesse : ils partiront bientôt pour la ville. Mais Jojo cache un secret. Et quand tout le village le découvre, les rêves et les familles des deux amis volent en éclat.
J’avais envie que le film soit comme un trait. Direct. De plus, il me semblait important que tout soit souterrain. À aucun moment on ne devait flécher l’émotion du spectateur. S’il est ému, c’est au moment et à l’endroit où il le décide. Essayer d’être le plus sobre possible durant tout le processus d’écriture pour que résonne plus largement la trajectoire de nos personnages. Ensuite, dans la direction d’acteurs, j’ai gardé ce mouvement mesuré, dépouillé d’artifices. Je pense que l’indication de jeu que j’ai le plus donné est : « Sois plus droit ». En revanche, le filmage devait avoir une forme d’amplitude. Les focales, la lumière, les mouvements, devaient charger le film de l’intensité que nos personnages traversaient.
D’abord car dans ma jeunesse, la Pampa hébergeait la première manche du championnat de France de supercross. Ça a toujours été un souvenir troublant. Aussi étonnant que cela puisse paraître, c’était un gros événement qui rassemblait 20 000 personnes à Longué-Jumelles. Je me souviens que ses propriétaires étaient de vraies stars locales, y compris leur fils de 14 ans dont l’autographe trônait dans mon école primaire. Et puis le moto-cross, c’est un sport très testostéroné ; pratiqué par des hommes de classe moyenne ou des prolétaires et où se confondent la mécanique et la musique forte. C’est pour moi un univers très cinégénique. Les hommes et leurs enjeux virilistes dans le monde du sport m’ont toujours fasciné. J’avais un peu travaillé le sujet dans un clip pour Bagdad [Texas Switch, ndlr], où se posait déjà la question de la masculinité exacerbée sur un terrain de foot. Le moto-cross permettait de se confronter à nouveau à ce monde dans une arène parfaite.
Willy permet un point de vue omniscient, puisqu’il traverse toutes ces violences et qu’il cultive lui-même une sensibilité différente. Il y a une forme de retrait chez lui, quand les autres personnages sont plus « hauts en couleur ».
Ça été un vrai sujet : des collaborateurs très proches n’y ont pas cru à l’époque, mais j’étais convaincu. J’ai casté Artus sur Le Bureau des légendes et je sais que c’est un grand comédien. Il est tout à fait conscient de ce qu’il dégage et il a un rapport instinctif au jeu qui me plaît beaucoup. J’ai voulu l’amener vers un personnage plus taiseux, plus intérieur qu’à l’habitude. Le rôle nécessitait qu’il perde beaucoup de poids. Il a accepté, on a beaucoup répété et il a magnifiquement incarné Teddy. Pour Damien, j’avais un profond désir pour lui depuis longtemps. Lorsqu’il a fallu réfléchir au personnage de David, je ne pouvais imaginer personne d’autre que lui. J’ai demandé à le rencontrer, nous avons passé des heures à discuter ensemble de choses et d’autres. J’ai immédiatement su qu’il pourrait m’offrir la complexité, la folie, la douceur que nécessitait le rôle.
Drame de Antoine Chevrollier. Propos recueillis par Tony Arnoux. 4,1 étoile AlloCiné.