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Le sort des actions gratuites du salarié en cas de licenciement


M. [G], salarié depuis 1986, a vu son contrat transféré à la société X en 2006 et est devenu directeur de pôle. Il a été licencié en février 2019 pour cause réelle et sérieuse. En juin 2019, il a saisi les prud'hommes pour contester son licenciement, demander des indemnités, l'attribution d'actions gratuites et la reconnaissance de sa qualité d'actionnaire.

Faits et procédure

1. Il est donné acte à M. [G] du désistement de son pourvoi incident.

2. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 17 février 2023), M. [G] a été engagé en qualité de préparateur par la société Y à compter du 18 février 1986. Le contrat de travail a été transféré à la société X (la société) le 1er mai 2006. Après avoir été promu à plusieurs reprises, au dernier état de la relation de travail le salarié exerçait les fonctions de directeur de pôle.

3. Il a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre du 7 février 2019.

4. Le 24 juin 2019, le salarié a saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant notamment au paiement de diverses sommes à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’à l’attribution définitive des actions gratuites qui lui avaient été octroyées en 2016, 2017 et 2018 et à la reconnaissance de sa qualité d’actionnaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l’arrêt de dire que le salarié a définitivement acquis trois mille cinq cent quatre vingt quatorze actions de performance et cinq cents actions de présence et qu’il a la qualité d’actionnaire, alors « que le salarié qui n’a pu, du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse intervenu avant le terme de la période d’acquisition, se voir attribuer de manière définitive des actions gratuites, ne peut se voir reconnaître la qualité d’actionnaire et se voir attribuer en nature lesdites actions, et subit tout au plus une perte de chance devant être mesurée à la chance perdue sans pouvoir être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée ; qu’en l’espèce, l’arrêt constate que selon les lettres d’attribution, l’acquisition définitive des actions était subordonnée au maintien du salarié au sein du groupe pendant trois ans à compter des 23 juin 2016, 23 mai 2017 et 24 mai 2018 et à la réalisation par le groupe d’un certain niveau de performance ; que le salarié avait fait l’objet d’un licenciement injustifié avant la période de trois ans ; qu’en n’ayant pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait que le salarié avait tout au plus subi du fait de la perte de son droit à des actions gratuites une perte de chance pour avoir été licencié avant le terme du délai d’acquisition de trois ans, et en ayant décidé que M. [G] avait définitivement acquis trois mille cinq cent quatre vingt quatorze actions de performance et cinq cents actions de présence et avait la qualité d’actionnaire, la cour d’appel a violé ensemble les articles 1103, 1231-1 et 1304-3 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1103 et 1231-1 du code civil :

6. Selon le second de ces textes, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts à raison de l’inexécution de l’obligation.

7. Le salarié qui n’a pu, du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse intervenu avant le terme de la période d’acquisition, se voir attribuer de manière définitive des actions gratuites, ne peut prétendre à l’attribution des actions et à la reconnaissance de la qualité d’actionnaire, mais seulement à la réparation du préjudice résultant pour lui de la perte de chance d’acquérir définitivement les actions gratuites.

8. Pour dire que le salarié a définitivement acquis trois mille cinq cent quatre vingt quatorze actions de performance et cinq cents actions de présence et qu’il a la qualité d’actionnaire, l’arrêt retient que la société a informé le salarié de la décision du conseil d’administration de lui octroyer, le 10 août 2016, mille trois cent quarante quatre actions de performance, le 3 juillet 2017, mille cinq cents actions de performance et, le 25 juin 2018, cinq cents actions de présence et sept cent cinquante actions de performance et que, selon les lettres d’attribution, l’acquisition définitive des actions était subordonnée au maintien du salarié au sein du groupe pendant trois ans, respectivement à compter des 23 juin 2016, 23 mai 2017 et 24 mai 2018, ainsi qu’à la réalisation par le groupe d’un certain niveau de performance. L’arrêt retient encore que l’accomplissement de la condition tenant au maintien du salarié dans les effectifs du groupe pendant trois ans ayant été empêché par son licenciement injustifié par la société, cette condition est réputée accomplie et que l’accomplissement de la condition tenant à la réalisation par le groupe d’un certain niveau de performance n’est pas discutée par la société. L’arrêt en déduit que le salarié doit être considéré comme ayant définitivement acquis les actions objet des lettres d’attribution des 10 août 2016, 3 juillet 2017 et 25 juin 2018, soit trois mille cinq cent quatre vingt quatorze actions de performance et cinq cents actions de présence, et qu’il a donc la qualité d’actionnaire.

9. En statuant ainsi, alors que le salarié ne pouvait prétendre qu’à l’indemnisation de la perte de chance d’acquérir définitivement les actions litigieuses, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. La cassation du chef de dispositif disant que le salarié a définitivement acquis trois mille cinq cent quatre vingt quatorze actions de performance et cinq cents actions de présence et qu’il a la qualité d’actionnaire n’emporte pas celle des chefs de dispositif de l’arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme en application de l’article 700 du code de procédure civile, justifiés par d’autres condamnations prononcées à l’encontre de celle-ci, non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que M. [G] a définitivement acquis trois mille cinq cent quatre vingt quatorze actions de performance et cinq cents actions de présence et qu’il a la qualité d’actionnaire, l’arrêt rendu le 17 février 2023, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens ;

Condamne la société X aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt-cinq.

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